[Validé][Guerrier/Maître d'Arme][H] Ti'yia (mort RP)

Les méandres du Fouet (suite)


L'Écuyère avait espéré... L'entretien pris avec les Douleurs ne s'était pas passé sans incident. Être dérangée en prière par un non-priant était du dernier supportable. En effet, le Talonite avait brassé beaucoup de vent avec sa langue et la perdrait tôt ou tard...

Mais l'entretien n'avait pas fait avancer la jeune Écuyère. Les Prêtresses prenaient-elles un malin plaisir à lui laisser la vision voilée ? La personnalité et l'essence même du Fouet, elle pensait les avoir comprises seule... Y avait-il seulement une question à se poser pour évoluer ? Le combat qu'elle avait mené contre SadinWaja'', elle l'avait gagné. Et son intervention signifiait qu'elle n'était pas sur la mauvaise voie. Il lui avait menti pour tenter de la déstabiliser mais elle comprenait qu'au fond, cette arme et elle fusionnaient de plus en plus... et l'arme se sentait assez proche d'elle pour enfin se manifester.

Dans son désespoir de ne toujours pas voir le bout du tunnel, s'il existe, Ti'yia ne savait plus quoi faire. Ses entraînements étaient de plus en plus répétitifs. Certes, elle notait ses infimes progressions ; certes, elle commençait à jongler avec divers objets ; certes, elle faisait presque ce qu'elle voulait avec ChanteSouffre... Mais il devait lui manquer l'essentiel... cette greffe ? La Prêtresse, comme tous, avait parlé de la corporélisation de son arme. Mais quoi ?! Ils ne comprenaient donc rien ? Et le Caporal Rosencrantz était dans le même camp que les autres semblait-il... À quoi avait servi cet entretien ? Elle détestait l'arrogance et il l'avait poussée dans ses derniers retranchements en s'étendant sur une tierce... Un barde ! Allez voir un barde, avait-il dit.

Ti'yia y comptait bien. Elle n'avait eu besoin de personne pour avoir ce projet. Elle était juste étonnée que personne d'autre qu'elle ne comprenne ChanteSouffre... Il voulait chanter juste c'était certain. Et elle également. Danser, chanter, rythmer la souffrance dans l'Harmonie sublime du Ki coulant à flots dans ses veines et filant vers le sang promis...

Quoi qu'il en fut, Ti'yia restait dans le brouillard. Dominez la soif de souffrance de votre arme... Elle prit un moment pour penser à son Maître... Qu'aurait-il dit ? Que lui aurait-il enseigné ? Son météore chantait, lui aussi. Il sifflait plus précisément... Et ChanteSouffre, c'était quoi son son ? Ti'yia le regarda un instant, rassemblant ses souvenirs sonores afin de déterminer les sons qu'il émettait.

Les boules claquaient métalliquement entre elles, l'onde sonore pouvait être stridente et insupportable ou un vrombissement de tonnerre, parfois même elle était au-delà du son... Au repos, l'onde était un vrombissement sourd et bas ou un léger tintement cristallin ponctuel... le silence existait même pour lui. En somme, il faisait beaucoup de bruits différents. Ca dépendait de quelque chose... mais de quoi ? Son humeur ? Ou une attitude particulière ? Une situation ?

Les boules, Ti'yia n'eut pas de mal à définir l'origine de leur son : son bras les déplaçait en conséquence ou sa marche. Une simple secousse les faisait parler... Le silence aussi. Dans toute absence de contact, de mouvement...
Le tintement cristallin, il le faisait quand la souffrance pointait son nez... Un châtiment à venir lui donnait faim. Ce tintement semblait fonctionner comme un gargouillis d'estomac. Ti'yia en sourit, on est devenus pareils, après tout....
Le cri strident, elle ne s'en souvenait que trop bien. Le souvenir des temps de totale absence de maîtrise et aussi l'absence de souffrance à dévorer et à donner, ce qui lui faisait mal, était ce cri d'une violence étourdissante... Mais il savait le pousser aussi dans une fureur sans limite, quand il devenait comme un requin excité par le sang...
Le vrombissement sourd au repos était sans doute le pire... latent, quand ChanteSouffre était de bonne humeur, il donnait mal à la tête à tout le monde... Il ne cessait jamais de geindre et de souffrir et devait probablement se sentir obligé de rendre la pareille. Oh oui, la migraine, elle connaissait, elle donnait tous les jours....
Le vrombissement du tonnerre, c'était le bruit du Khamsin... La tempête, continue, qui rend fou, et qui porte aussi la migraine, aiguë et prenante, presque insurmontable.... C'était le bruit du Maelström, de la Bourrasque et du Typhon.... Le vent et la foudre qui s'abat, le cuir qui claque et qui résonne crescendo dans un couloir cylindrique, projeté et renvoyé à l'infini....

Ti'yia s'arrêta et regarda la pipe... Ces herbes noires du Culte, elle en fumait trop... Ca devenait grave.
ChanteSouffre, tu vas me rendre folle... Mais tu paieras les pots que tu es en train de casser dans ma tête... Sois en sûr ! Tu es "ma" main, paraît-il... Bin moi non plus ça ne me réjouit pas ! Fais silence ou je te range dans le sac magique tout noir et tout sale !
*Le vrombissement léger et sourd cessa*

Je suis un Fouet...

Je ne saurais que trop vous conseiller les Mantras... Répétez la phrase clef à l'infini... vous y verrez plus clair.

L'Ermite avait pratiqué les Mantras. Le souvenir de ses sages paroles avait plusieurs fois aidé Ti'yia à accepter tous les sacrifices qu'elle faisait pour son bien...

Sainte Mère, Lumière du Fouet Complaisant qui soulage le monde de ses corruptions,
Aide-moi à trouver la voie de la Sainte Illumination.
Sainte Mère, Couronne d'Épines sur les têtes mystiques,
Donne-moi en ce jour la force de trouver ma voie,
La Voie Sacrée qui me mènera sur les chemins de Ta splendeur...

La prière dura une heure, rythmée des flagellations, dans la petite cellule éclairée à la lueur blafarde des bougies et noyée dans le brouillard des encens.

Tu es le Fouet Complaisant...
Je suis le Fouet à Ta main qui châtie les blasphémateurs,
Je suis le Fouet à Ta main qui donne au monde Ta Sainte Souffrance,
Je suis le Fouet à Ta main...
Je suis le Fouet...
Je suis le Fouet...
Je suis le Fouet...
Je suis le Fouet...
Je suis le Fouet...
Je suis le Fouet.........

Le Mantra prit place dans son esprit embrumé et ne la quitta plus, se démultipliant à l'infini....

Je suis un Fouet... (suite)

Des souffles coulent en moi... Les flux du Ki sont des respirations de mon énergie vitale et vivante, ce flux universel qui relie les êtres entre eux... Même dans les nervures des minéraux il existe... Mon ventre fait mal... Quelque part, un point relie mes chakras... un point central, où ma gravité fait son oeuvre... où ma douleur éclate dans une déflagration sonore...

Il n'est plus question que de liberté...
Je suis un Fouet...
Il n'y a aucune stabilité, l'équilibre est rompu...
Je suis un Fouet...
Comme un serpent vorace et épileptique il est...
Je suis un Fouet...
Il ne peut y avoir de domination réelle...
Je suis un Fouet...
La soif de souffrance me dévore l'esprit...
Je suis un Fouet...
Le sang se résorbe dans ma gorge comme le désert absorbe la mer...
Je suis un Fouet...
Il est l'antirythme harmonieux et dissonant d'un cri impérieux...
Je suis un Fouet...

Dans ces sonorités vrombissantes, il y avait une musique latente, celle de la vie, celle de la mort, celle de la douleur ineffable et inexorable qui embrassait son être...

Je suis un Fouet ! (suite et fin)

Je suis un Fouet...
Ono... Ono... Ono... Ono...
Je suis un Fouet d'instinct...
Toujours dissidente, même maniée, je virevolte libre...
Indisciplinée je suis, comme tu es...
Instable je suis, comme tu es au creux de ma paume...

Je ne suis plus et tu n'es plus...
Nous sommes.

Ti'yia ouvrit les yeux, la méditation transcendantale galvanisée par les encens mystiques touchant à sa fin. Elle réintégrait son esprit de brumes évanescentes et liquéfiées en sang multicolore...
Elle sourit. L'heure était venue pour elle de retourner à son poste...

La possession

Ti'yia se rendit au Temple des Trois Dames, à la Chapelle loviate, pour prier. Une cérémonie avait lieu : un Chevalier Noir de Baine était allongé sur l'Autel, pour subir un entraînement à la douleur. La novice Shara officiait. Elle commit l'erreur de graver sur son corps le Fouet Complaisant et le Chevalier éclata ses liens pour la prendre au cou.

Ti'yia n'intervint pas... Quelque chose en elle l'envahit. Les manifestations sonores emplirent la pièce : un vrombissement sourd laissa place à un tintement cristallin continu. La souffrance n'était pas dans ce lieu... Les cris et hurlements ne fusaient pas... Le manque cruel fut pour SadinWaja'' une provocation : il avait faim... Ti'yia sombra sous sa coupe... Le trou noir. Au réveil, Shara gisait sonnée derrière l'Autel, seule.

- Qu'ai-je fait... ?

J'ai faim... tout ce sang sur l'Autel... Toute cette souffrance qui n'existe pas... J'ai faim. Je veux sa chair, son sang et sa souffrance... Je veux entendre la musique discordante de ses cris et de ses pleurs... Je veux qu'il hurle sous mes doigts... Je veux qu'il hurle sous mes doigts... Je veux qu'il hurle sous mes doigts...

- Qui es-tu ?

- Je suis SadinWaja'' et j'ai faim de toi...

La leçon de musique

Mystik avait répondu à l'annonce... Ce nom ne disait rien à Ti'yia. Elle croisa son futur professeur de danse et sonorités par hasard à l'Auberge de Garfaux. Elle venait d'entendre quelques bruits de violence à l'étage et était allée en curieuse avec quelques autres... Ce qu'ils avaient découvert leur donna la nausée, autant par l'atrocité du massacre que par la puanteur étrange qui régnait dans la chambre du crime. Personne... Le cadavre était piqué des vers, ceux-ci même qui tombaient en grappes visqueuses sur le plancher... Une lettre, signée "Le Roi des Vers".

Quand la garde emmena le corps putréfié par une sombre nécromancie, Ti'yia et Mystik se rendirent au théâtre, le coeur encore dans la bouche mais décidées à se changer les idées. La leçon commença. Mystik souhaita jauger les bases de Ti'yia. L'air rythmé et gai qu'elle joua s'arrêta net quelques minutes plus tard. Ti'yia avait du boulot plus que jamais... Timide, hors du rythme, guindée, elle n'avait jamais dansé.
Tu dois sentir le rythme, le reste vient tout seul...

Sentir le rythme ? L'air qu'elle tint convainquit sa mentor.
Je vais chercher quelque chose pour toi.
Mystik revint avec un tambour, dont elle fit cadeau à Ti'yia. Elle lui enjoignit de jouer quelque chose qui lui plaisait.
Tu verras que les sons sont différents...
Ti'yia resta un moment hésitante, gênée sans doute, puis se lança. Elle testa les différentes sonorités, les fichant dans son oreille, et commença à tapoter sur la peau tendue. Quelque chose sembla un instant unir les coups successifs. Ti'yia ferma les yeux... peu à peu la musique s'installa.
Bam bam baboum bam babam bam bam baboum...
Essaie un rythme à huit temps...
Bam bam baboum bam bam baboum...

La première leçon fut brève, Ti'yia comprit vite qu'elle devrait surtout travailler seule. Elles verraient bientôt les bases de la danse et du chant, mais trouver le rythme et savoir poser un geste sur un temps était la première étape. Ti'yia emporta le tambour afin de s'exercer à ses heures perdues...

Étude des sonorités I : Solène Dambrath et les armes sonores

Ti'yia avait le tambour entre les cuisses, assise en tailleur dans sa cellule. Au coeur de l'Église loviate, la musique était sacrée : les Chante-Douleurs étaient avant tout des artistes dévouées à la splendeur de la Vierge. À la bibliothèque du Temple, elle avait loué certains recueils de poésies sonores, chants et mélodies. Parmi les ouvrages, il y avait, entre autres, Les Chants d'Agonies et Cris Impérieux du Fouet Complaisant, de Solène Dambrath, et Le Chantre de Pourpre, stridences sublimes du Hall des Danseurs, traité de sonorités fracturées, rédigé par une étrangère au Clergé. Dans le colophon, Ti'yia lut : "Sacristar Malavhan, rédigé et édité à Anauroch, Hall des Danseurs, 1357". Filigrané, en peau de vélin et cuir durci, fermoirs en platine, enluminures colorées et dorées à la siète, en parfait état...

La lecture du premier traité la laissa pantoise... L'auteur, la Vierge Solène Dambrath, y parlait de nombreuses choses intéressantes mais un chapitre retint l'attention de Ti'yia : "Chapitre XIIII : des armes sonores"... L'auteur en expliquait les mécanismes :

Citation :

Les armes dites "sonores" sont enchantées au sens premier du terme, à savoir opérées par des chants magiques. Les rituels de sonorités sont gravés dans la matière et l'investissent d'une nouvelle puissance basée sur la réception auditive, essentiellement douloureuse ou étourdissante, voire ensorcelante. Chaque arme fonctionne selon un modèle précis. Il en existe plusieurs :

- le modèle d'envoûtement, fonctionnant comme un Chant des Sirènes, l'arme produit une musique irrésistiblement attirante pour la victime qui l'entend ;
- le modèle d'étourdissement, fonctionnant comme un coup de massue sur la tête de la victime ;
- le modèle de hurlement, fonctionnant par stridences et agressions sonores, blessant la victime dans ses facultés auditives, engendrant parfois des séquelles irréversibles ;
- le modèle silencieux, fonctionnant comme une Bulle de Silence, rendant impossible dans sa sphère d'effet toute magie à composante verbale.

Certains modèles sont néanmoins modifiés et adaptés selon le type d'arme sur lequel ils sont appliqués : en effet, certaines armes nécessitent des mesures particulières pour voir leurs capacités complètes effectives. C'est le cas, entre autres, de nos fouets consacrés ou encore des fléaux à plusieurs branches, des nunchakus et des chaînes à clous. De fait, ces armes fonctionnent avec des membres articulés et ne produisent pas une sonorité évidente et constante. Le porteur doit en harmoniser les diverses articulations dans ses gestes combattifs pour assembler les différentes sonorités.

[S'ensuit une liste d'exemples d'armes sonores étudiées au sein du Clergé, avec une prédominance des modèles d'étourdissement et de hurlement...]

7. La Douleur Chantante de Loviatar, SadinWaja''

Description : Le fouet est de cuir blanc et dit « chantant ». Les lanières sont ornées de barbelés très fins et le bout de chaque lanière est garni d’une petite boule de métal à pointes, dans l’esprit du goupillon et du knout fusionné. Le manche est de cuir également et bénéficie d’un bracelet de barbelés qui permet de le passer au poignet pour pallier aux désarmements et faciliter le renversement des victimes accrochées. Les arrangements de cette arme sont prévus pour le combat afin de lui donner plus de force et plus de vitesse. Les enchantements sonores sont à double tranchant pour son porteur puisque le fouet porte une migraine latente par l’onde sourde qu’il véhicule en permanence et par les cris assourdissants et disharmonieux qu’il pousse lorsqu’il entre en contact avec quelque chose.

Origine : Initialement, Sadin, le fouet chanteur, portait une branche au chant mélodieux et suivait le bras de la jeune Sunite Ashem Al’Marien. Livrée aux loviates et défigurée à jamais par une arme du culte de Sunie, la jeune femme narcissique renia sa foi et son bien, préféra la mort et s’étrangla avec ses chaînes.
Note : Je fus plus qu'heureuse de désacraliser le fouet sunite et de rendre à Loviatar ce qui ne pouvait que lui appartenir. Le rituel fut néanmoins surprenant car le chant du fouet devint plaintif. L’arme souffrait… Je la remis aux autorités du culte. Sadin apprit la souffrance, en fut gavé… Ses lanières furent meurtries par les barbelés et alourdies par le poids constant des boules qui les ornaient. Arme de défense de Sunie, elle devint peu à peu une arme d’attaque loviate. Consacré sur l’Autel de la Vierge des Douleurs, Sadin fut rebaptisé SadinWaja’’ (Douleur Chantante) et son chant devint le cri disharmonieux ou l’onde de perpétuelle souffrance, apportant la migraine, qu’il a désormais.

Ti'yia resta un long moment pensive avant d'attaquer le second tome loué...

Je pense là on peut valider

Étude des sonorités II : Sacristar Malavhan et les stridences

À la lecture du Chantre de Pourpre, stridences sublimes du Hall des Danseurs, traité de sonorités fracturées, Ti'yia se trouva face à une masse conséquente d'informations déconstruites et incompréhensibles. L'auteur était visiblement une expérimentatrice des attaques et dégâts occasionnés par toute émission sonore mais à la plume elliptique et fantasque. Ti'yia ne se formalisa que le temps d'un chapitre d'introduction de ces complexités et décida de prendre une pause. Le thé et sa pipe de Lotus apaisèrent son esprit un bref moment, avant que les problèmes ne pointent leur nez...

Des mots restaient accrochés en déliquescence dans sa tête, se démultipliant à l'infini en échos juxtaposés... Arrivant avec peine à concentrer son esprit sur un point fixe, calmant l'effervescence de la drogue dans ses délires mentaux, Ti'yia reprit le livre et lut, comme hypnotisée. La drogue sournoise faisait son effet, galvanisée par le texte qui se mit étrangement en harmonie avec elle...

Les poésies semblèrent danser sur les pages manuscrites, chaque vignette apposée en début de texte se fixait dans son esprit... Les mots, lus à voix haute, lui obscurcirent la conscience... La magie des mots la plongea dans une hypnagogie sonore et visuelle. Ses mains frôlèrent la peau du tambour et peu à peu rythmèrent les paroles, d'abord hésitantes et décalées, prenant au fil de la lecture des assurances nouvelles, expérimentales, non soucieuses de créer un rythme harmonieux de base, juste soucieuses de suivre l'instinct...

Les textes s'enchaînaient, Ti'yia restait rivée sur sa lecture, ses mains tapotant la peau sans que son cerveau ne les commande. Le son hypnotique et sourd du tambour lui sembla devenir de plus en plus aigü au fil de son entrée en transe, jusqu'à s'amplifier avec stridence dans sa tête, en dehors de tout fondement audible, et un mal de crâne violent lui déchira l'esprit... Elle s'effondra. L'hypnagogie soutenue par la drogue fit son oeuvre.

Ils dansaient... Dans les ombres lourdes, ils dansaient... Leurs corps étaient des amas d'ombres, leurs yeux étaient des plumes de paon... Les effluves de musique voguaient en fumeroles dans un vortex suspendu... Mon corps est en dispersion... et les astres en distorsion...
*une voix s'éleva dans son esprit*
Des filaments écorchés autour de l'Essence invariable et tes Sens avariés sont mes Chants ineffables...

Les images se succédaient devant ses yeux, comme animées d'un esprit extérieur. Les échos mentaux du tambour éteint lui fracassaient le crâne. Sa main se tendit vers ChanteSouffre... La musique... Il fallait de la musique... comme une déviance...

Citation :

Chapitre III, Partim I : les Stridences et Disharmonies

Par suite d'études et d'expériences sonores, j'isole deux grandes catégories de sonorités malencontreuses pour tout pratiquant des Arts du Chant, de la Musique et de la Danse. D'une part, nous trouvons les Stridences : il s'agit des sons suraigus qui entrent en discordance avec le reste de la partition. En général, il s'agit d'un son perçant, vibrant et agressif mais le spectre de certaines consonnes, telles que le [s] ou le [f] est caractérisé par des fréquences aiguës et par une distribution irrégulière de l'intensité sonore qui produit également une stridence.

D'autre part, nous trouvons les Disharmonies, également appelées Dissonances, qui se définissent par un manque d'accord des sons dans l'élaboration d'une partition unifiée. La Disharmonie, généralement produite par un manque de compétence et d'"oreille", est, à mon sens et en vérité, la seule harmonie possible pour la création et surtout l'innovation. Produit d'une avant-garde ou d'une expérience nouvelle, la Dissonance apporte un autre regard et une liberté neuve à l'Art bridé qu'est la Musique...

(*sort le champagne^^ - mais à l'occasion je continue le BG quand même^^*)

Aggression

Ti'yia avait fui...

Luskan était bien trop périlleuse que pour y rester plus que nécessaire. Un vrai coupe-gorge zhentil... L'enquête sur la disparition de Shara était terminée... Mais il y avait ce procès. Qu'importait ? Ces rats ne méritaient pas que la Loi soit requise contre eux. Ils périraient vite et dans d'atroces souffrances : elle en avait fait le serment.

Elle avait fui... Le subterfuge proposé par le sieur Winter'Storm ne l'avait pas rassurée longtemps. Puis attendre, des heures et des heures, bloquée dans cette méprisable Cité. Il y a de quoi devenir neurasthénique...

Le pélerinage

Ti'yia avait quitté Luskan, le coeur étreint par des doutes tenaces... Malgré ses emportements et la colère, il avait touché un point sensible... L'ombre de la trahison lui voilait les yeux, elle avançait lentement. Les collines commençaient à s'escarper ; au loin, elle distinguait la montagne. La masure de l'Ermite était le dernier chez elle qu'il lui restait. L'ascension était un voyage à elle seule... Elle avait une fois gravi ce chemin. Elle était encore jeune... C'était il y a si longtemps... Elle s'arrêta. En effet, les années étaient passées à la vitesse de l'éclair. Quelle femme elle était devenue... Elle reprit sa marche, plus concentrée sur sa présence en ces lieux dénués de vie.

Elle avait une expérience de la défaite à couper le souffle... Mais cette fois, elle avait vraiment été blessée dans son ego. Qu'il l'ait mise à terre ne l'affectait pas vraiment... Elle se savait plus faible que lui. Mais qu'elle ait pu trahir son arme et sa Déesse lui transperçait le coeur...
Il lui avait pris ChanteSouffre... Rien que cela avait valu toutes les souffrances du monde. Le vendre aux Sharess... Qu'il est abject... Et pour quelle contrepartie ? J'en ai la nausée... Ti'yia n'avait jamais réalisé à quel point elle ne pouvait se passer de ChanteSouffre. Elle en avait eu le coeur déchiqueté...

Mais ça, non ! Un serment passé sur l'Autel ! Quelle méprisable serais-je ?
J'ai juré, j'ai donné mon sang... Nous partageons désormais le même...
Abandonner ChanteSouffre pour son honneur et sa dignité, pour rester loyale jusqu'au bout, avait été un tournant de sa vie... Mais elle ne l'avait pas perdu. Ce jeu cruel, il pensa lui en faire endosser l'échec... Il se trompe, pensa Ti'yia, en s'arrêtant en haut d'un pic abrupt... La vue était magnifique... L'hiver donnait au ciel clair des teintes roses et mauves, tirant ensuite d'une ligne vers l'orangé. Elle cligna des yeux plusieurs fois et reprit le chemin escarpé qui menait vers les hauteurs...

Ce pélerinage, elle le connaissait. Ses sandales ne tiendraient pas le voyage... Les montées les plus âpres dans les rocailles coupantes se feront à nus pieds... Elle ne pouvait pas dormir. Parfois elle s'arrêtait pour faire du thé dans une alcôve de pierre. Plus qu'une heure et je suis arrivée...

Au fur et à mesure qu'elle grimpait, Ti'yia libérait son esprit. Les efforts constants et difficiles, les pieds gonflés par les plaies et un début d'entorse... Il se trompe... Il se trompe !
Ce choix était le meilleur... Je ne pouvais sombrer sous sa coupe. Je suis le futur Maître d'Arme... ChanteSouffre est à moi, je lui suis supérieure en tout. Quel chevalier serais-je si ma foi pouvait être mise à bas par une arme capricieuse et égoïste ? Tu me sers, tu entends ? Oh oui tu m'entends... Tu tentes de corrompre mon esprit avec ces doutes fallacieux...

Elle s'arrêta. La masure de bois se dressait devant elle. L'impressionnante structure comprenait cinq amas de planches clouées esquissant vaguement l'aspect d'un taudis... Elle entra et s'assit en tailleur sur la paillasse, et finit de rassembler ses pensées... La voix lui sembla éthérée et mélodieuse, sussurante et suave...

Je n'entends que toi depuis tout à l'heure... Aurais-tu quelques... griefs, ma douce ?

Ti'yia renifla en grognant. Tu ne m'auras pas, vile sournoiserie...

Oh tu es de bien triste humeur... Dois-je comprendre que ce bouffi de tempusien a semé le doute dans ton esprit de moineau ? Mmh ? *glousse*

Il n'y a plus de doute, petite lanière de cuir... car en ne cédant pas, je t'ai récupérée sans me fourvoyer. Pour la plus petite contrepartie qui soit. Car si j'ai souffert de te perdre, je souffre également de te retrouver. Ce n'est que bonheur et victoire...

Lieutenant de Belle-Prairie

De retour dans sa patrie, Ti'yia avait été rapidement promue au grade de Lieutenant de Belle-Prairie. Attachée à la défense de la Cité, elle fut chargée de faire creuser des douves remplies de pics et de superviser l'étude du Lac Central. Un expert du Bosquet Sombre arriverait sous peu pour l'aider. Mais le travail ne s'arrêtait pas là...


Ulrich d'Aréus, disciple de la Voie du Ki

Ti'yia, Maître d'Arme du Fouet Complaisant, avait accepté d'enseigner le Ki à un jeune homme du Nord, Ulrich d'Aréus. Il avait choisi de manier la Hache Double, arme qui n'avait pas grand-chose en commun avec le Fouet. Mais cela n'inquiétait pas Ti'yia... La Voie du Ki ne s'arrêtait pas à ces différences : elle était universelle. Cependant, elle ne put échapper à l'angoisse : il fallait être à la hauteur et la mort prématurée de son Maître ne lui avait pas garanti de pouvoir transmettre des enseignements efficaces. Mais le défi lui plût...

Ulrich mêlait la magie au Ki, ce qui d'emblée annonçait à Ti'yia son évolution partielle dans la Voie du Maître d'Arme. Cela ne l'empêcherait pas de lui donner toutes les cartes en main : elle voulait être fière de son élève, et cet enseignement ne devait pas ternir sa réputation. Au fil des leçons, il fit montre d'un véritable acharnement : il avait soif d'apprendre et Ti'yia lui trouva toute sympathie, bien qu'elle ne lui en montra rien. Elle sentit au plus profond d'elle-même qu'il ne la décevrait pas...

(J'arrête ici le compte-rendu, le tout est déjà dans le BG d'Ulrich)


Le Druide Leith Erghistson

Un Druide était recherché par divers alliés... L'expédition au sud ne tarda pas. La Douleur Lysa d'Erlendael (Tarani Damaryan) et la recrue Earl Grissanglot partirent avec elle. Sous le couvert de déguisements, ils finirent par le croiser à Luskan, accompagné par deux Elfes, et décidèrent de le suivre hors de la ville. Mais ils restaient bien trop près des abords de celle-ci pour tenter quoi que ce soit. La Douleur prit les choses en main... Ils cherchaient une aide pour trouver de la bardane... Bonne idée. Mais l'un des Elfes, une femme, dut reconnaître Ti'yia malgré son déguisement. Elle prévint ses compagnons et la couverture des Loviates n'y résista pas. Les échanges verbaux furent dignes des tavernes les plus mal famées...

Puis les Elfes s'en allèrent pour une raison obscure, abandonnant le Druide recherché aux mains de l'équipe. Il sembla se raviser après avoir offert de les aider. C'était sans compter sur la ténacité des compagnons. La capture de l'Elfe Oone l'incita à obtempérer... Il guida la troupe au travers des bois, cherchant cette fameuse bardane. Dans les bois, un vieil ours fondit sur eux et fut rapidement mis à terre. Leith se pencha vers lui... L'occasion fut trop belle de capturer un Druide en pleine forêt. Ils profitèrent de son attention occupée par l'animal mort pour l'attaquer par surprise. Il était assez loin du guet des gardes aux remparts... Ligotté, un bandeau sur les yeux, il fut emporté à travers les bois. La troupe avançait prudemment : les ennemis dans cette contrée ne manquaient pas...

Ils prirent la route du Val Bise pour rejoindre la Cité. Les pauses du groupe étaient minimales : se restaurer, somnoler un peu... L'anneau de Ti'yia se révéla d'une grande aide contre le froid de l'Épine Dorsale, mais ses compagnons ne purent en dire autant, bien que la recrue Grissanglot ne manquât pas de couches naturelles... Ils avançaient lentement, couverts du mieux qu'ils pouvaient, luttant contre la bise glaciale. Sur les sommets, ils croisèrent Mizu : heureux hasard qui joignit une main de plus à l'entreprise...

Le Druide fut jeté dans les geôles, et resta saucissonné... On ne pouvait prendre le risque de le voir utiliser ses pouvoirs. Il ne manquait plus qu'il soit livré à ceux qui le désiraient si ardemment... Ti'yia prit sa permission d'une demi-journée après cet éprouvant voyage.

La Rose Blanche et le Lait Virginal

La délégation pour s'occuper du Druide Erghistson ne tarda pas à arriver. Ti'yia les conduisit à la Salle des Délices et les laissa avec le Haut Bourreau Dansesprit régler leur petite affaire. Profitant de ce répit, elle décida de s'octroyer une petite séance de Chaise de Question... En pleine séance, Rana, esclave du culte, se jeta sur ses genoux. Ti'yia la repoussa et finit par se lever pour lui laisser sa place : face à tant d'empressement, elle méritait de tâter de la Sainte Douleur...

Puis Ti'yia revient sur la délégation, quand quelque chose attira son attention... Rana s'approchait dangereusement du Bain de Lait Virginal, dont la perte d'une seule goutte mettait toutes les Prêtresses de Loviatar dans une fureur noire par la profanation que cela représentait. L'imprudente plongea un seau dedans et approcha du Druide...

Remets ça immédiatement où tu l'as pris !
Ti'yia se crispa sur ChanteSouffre. De peur, Rana jeta le seau en l'air... Ti'yia fonça pour le récupérer avant que l'irréparable ne soit scellé mais l'esclave le rattrappa au vol sans perdre une goutte. Ti'yia souffla et s'apprêta à châtier la fautive à la hauteur de son crime quand Rana lui jeta le seau au visage...

Le Lait lui brûla le visage de sa morsure d'acide qui ne ronge pas les chairs, mais de fines striures de fouet marquèrent sa peau. Rana prit la fuite. Ti'yia crut mourir mais la Grâce vengeresse de la Déesse l'envahit (20 pur jet de Vigueur). La jeune femme s'illumina et tomba sous la coupe de SadinWaja'', elle fonça comme une furie vers l'esclave, qui s'était retranchée contre la Vierge de Fer...
Vengeaaaaaaaaance !

Pendant ce temps, le Lait versé au sol s'évapora et la Douleur envahit toutes les personnes présentes, excepté un Prêtre du Ténébreux (20 pur également jet de Vigueur). Ti'yia s'acharna sur la malheureuse, les cinq branches barbelées aux boules à pointes assoiffées de souffrance. Le Haut Bourreau retint son bras in extremis... Sous le choc de la Grâce vengeresse, Ti'yia s'effondra...

Le Haut Bourreau la porta sur la table du Chevalet et la laissa reposer. Les yeux ouverts furent assaillis de visions cauchemardesques avant que la jeune femme éprouvée ne sombre dans un sommeil réparateur. Une heure plus tard, alors que la torture du Druide Erghistson touchait à sa fin, elle revint à elle (second 20 pur en Vigueur ^^). Le Lait avait adouci sa peau, la rendant plus éclatante et soyeuse. Le Seigneur de Guerre l'aida à se redresser...

Pour cette Grâce, il la fit s'agenouiller... Elle courba l'échine. Le coeur de Ti'yia battait tellement la chamade qu'on l'aurait presque entendu, les larmes de joie montèrent à ses yeux. Enfin, son rêve se concrétisait...

- Moi, le Haut Juge Dansesprit, Commandeur de la Chevalerie de la Rose Blanche en cette Cité et humble servant de Notre Très Sainte Vierge des Douleurs, accueille un nouveau Chevalier au sein de l'ordre sacré de la Rose Blanche. Par les pouvoirs qui me sont conférés, Écuyère Ti'yia, je t'adoube pour tous les services rendus au culte de Notre Très Sainte et Bien-Aimée Vierge des Souffrances, pour la Sainte Souffrance que tu as répandue et subie, au rang de Chevalier de la Rose Blanche.
Tu vas prêter serment... Jures-tu d'être le bras armé et implacable de la Vierge ?

- Je le jure sur mon honneur et ma foi.

- Jures-tu de te donner corps et âme pour répandre la Sainte Souffrance ?

- Je le jure également sur mon honneur et ma foi.

- Quel qu'en soit le prix ?

- L'idée de la mort elle-même, même sans douleur, ne pourra m'arrêter... L'émotion dans sa voix était palpable.

- Relevez-vous... Le Haut Bourreau retourna superviser la délégation affairée auprès du Druide.

Ti'yia se releva, le port altier, pleine de fierté et la tête haute. Elle alla vers le seau, dans lequel stagnait encore un fond de Lait non renversé, et le vida soigneusement dans le Bain jusqu'à la dernière goutte, avant de récupérer un orteil de Druide que lui lança Son Excellence, orteil destiné à figurer dans la Collection de la Haute Douleur Tatouée...

Mizu désirait également parler à la Dirigeante. Le rapport sur l'affaire du Bain angoissa le nouveau Chevalier tout le long du trajet. En effet, elle allait devoir essuyer la noire colère de la Sainte Autorité... Son état l'inquiéta quand elle la trouva affalée sur la table de la Salle des Chevaliers. Par bonheur - où est-ce un sursis offert gracieusement par la Sainte Vierge Loviatar pour service rendu ? - la Haute Douleur était ailleurs... Elle allait régler cela sous peu. Le ton lent laissa présager la violence du châtiment. Ti'yia sourit intérieurement : l'esclave allait morfler. Elle l'aida à se relever et la soutint jusqu'à la Salle des Délices...