Dans la Demeure de la Lune d'Eauprofonde

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(Classique !)


Le corps avait été déposé en fin d'après-midi, conservé par des sorts bien connus des prêtres mortuaires, afin de respecter le dernier visage. Il avait été déposé avec une nouvelle malheureuse, le Paladin n'était là car il avait fini sa vie à Targos et sa dépouille y était restée contrairement à la prêtresse, tels furent les mots de la Légion, qui tombèrent tel un couperet sur le clergé de Séluné.
Ainsi l'harmonie ne pouvait être rétablie, la prêtresse et le paladin ne pouvaient être réunis, c'était dommage. Mais pas irrévocable, pas irréversible, rien ne saurait l'être dans le Cycle infini, où tout renaît et les opportunités se répètent sans jamais se ressembler.
Le corps importait peu, l'esprit et le passé étaient leur véritable empreinte sur ce monde. Ainsi, les prêtres procédèrent aux rites sacrés, incinérant le corps de Ephren, et le voile symbolique de Justin, porté lors de son intronisation. La lune était claire, Séluné voyait ses deux servants.

L'instant n'était pas triste, car la mort fervente est la porte d'une nouvelle vie, d'un nouveau voyage infini, dans des contrées bénies de la Dame d'Argent. Une prêtresse ouvrit l'immense ouvrage sacré du Temple, et consigna les noms des deux dévots sur une grande page, déjà teintée d'encres anciennes...
Mystique Ephren,
Chevalier Justin Damaryan.
Nulle autre inscription que leurs deux noms côte à côte, chaque servant doit rester humble devant ses actions. Chaque servant doit rester humble face à la Création divine et infinie de la Déesse au Regard Etoilé.
Deux sacrifices, car leur vie n'avait plus d'importance que celle d'un autre. Deux sacrifices pour apporter la paix à autrui, telles avaient été leurs fins, toujours fidèles à leurs principes et dogmes.

L'on répandit le lait sacré sur les stèles des deux fervents, récitant la Sapiens Cristalis, qui loue les étoiles au ciel comme autant d'âmes de fervents ayant dévoué leurs vies à Séluné. Et la prière habituelle, pour le respect éternel de leurs âmes, pour que leur chemin soit serein et non troublé, pour qu'ils servent à jamais la Dame de Lune, dans les mondes qui n'ont pas de temps, baignés par sa clarté d'argent.

Un papier, juste un papier, juste quelques phrases sur un bout de papier, juste un peu d'encre. La nouvelle me parvint, sans doutes longtemps après, par le biais de cette encre sur ce parchemin. "Corps rapatrié et incinéré par le Temple".

C'était fini. Il resterait seulement le souvenir de leurs proches, et ces images que je n'oublierai pas. Et peut-être la haine de certains pour ce que nous avions encore fait. Cette pensée m'arracha un début de sourire. Je déposais le papier dans l'âtre. Il se consuma, à l'image de Padhiver. A l'image aussi sans doutes de ce corps auquel j'avais ôté la vie.

Encore un. Mais jamais assez. Jamais assez pour mon Seigneur. Surtout pas maintenant.

Le feu s'éteignit.

"Profitez bien d'Argentil, prêtresse. Cela ne durera pas."

Je regardais quelques instants encore les braises chaudes avant de me détourner.