[Validé][Barde/Guerrier] [H] Gwennan

C'est un moment que l'on redoute. On aimerait qu'il n'arrive jamais ... Comme il aurait fallut ne pas enfanter aussi.
Les mois se sont succédés, et mon corps s'est transformé. Je l'ai vu s'arrondir, je l'ai vu se mouvoir comme jamais il n'avait pu le faire jusque là. Frêle Gwennan, maigre Gwennan. Là ou mes hanches étaient étroites, elles se sont recouvertes de chair. Je constate avec étonnement combien ce corps ... Que je connais si bien, celui que j'ai appris à controler entièrement, celui que j'ai forgé ... Je ne le reconnais plus, et je ne controle pas ses changements. Mon dos supporte mal le poid de mon ventre, et ma poitrine se fait lourde, plus volumineuse.
Est-ce là l'achèvement de tes changements Gwennan ?
Je me déplace guère, je ne me contrôle pas beaucoup. Je ne crois pas qu'être mère soit un art. C'est un poid, un fardeau.
Et pourtant ... Le terme est tellement redouté.

Vilhelmine m'a sauvé. Elle nous a sauvé de son corps, en nous projettant au sol afin de nous éviter de justesse le trait d'un carreau mortel.
Et tout est arrivé très rapidement.
Je sens mon corps se contracter, mon bas ventre me fait terriblement mal. Mes jambes sont trempées, je ne me sens pas bien. Vraiment pas bien. Ils m'emmenent chez Garfaux en me protégeant du tireur venant des toits. Et ils m'assoient sur la banquette du salon fermé. Vidarr me regarde gravement et me dit ce qu'il en est.
C'est horrible. Je voulais que ce soit dans un endroit que j'aime, en sécurité. Que si l'éventualité de ma ... Notre mort soit, que ce soit dans un lieu familier, que je sois libre de choisir. Et si ... Et si je mourais ?
Je n'avais pas pensé à cela jusque là ... Mourir à cause d'un enfant, Mourir pour lui donner la vie. Une vie contre une vie, c'est la loi des cieux. Non ... Je ne veux pas. Pourquoi devrais-je mourir pour quelqu'un que je n'ai pas voulu ?
Je pourrais l'élever seul, m'a-t-il dit ... Ô Divinités, laissez-moi encore une once de vie. Que jamais plus j'entende ces paroles venir de sa bouche ... Et pourtant combien sont-elles plaisantes. Ce serait si simple, de lui laisser. De tout laisser là, et de m'enfuir ! Mais non, je ne laisserai pas Arkenn. Et il ne laissera pas l'enfant. Il semblait tellement heureux ... Qu'est-ce que cela signifie-t-il ? N'était-il pas trop tot ? Mais oui, il est trop tard.
De l'agitation, je sue avec abondance. J'ai un mal fou à respirer, à cause de cette douleur vive. C'est terrible, je suis sure que je suis en train d'imploser ... Il m'arrache les entrailles. Il me punit déja de l'avoir fait, il me fait payer mon manque de courage. Oui, j'aurais pu me jeter de la fenêtre et nous emporter tous deux vers d'autres lieux, là ou nous n'aurions pas à nous supporter.
Pauvre enfant, te voila arrivé au sein d'une mère indigne de toi. Et qui ne veut pas en être digne. Comme j'aurais aimé qu'il en soit autrement ... Comme j'aurais voulu que tu naisses dans une autre.
Tu es le fruit de nuits d'amour interminables. Tu es le fruit de l'Impureté. Je sais aujourd'hui que, sans cette carte, tu ne serai peut être pas là, à me faire crier aussi fort qu'il est possible de le faire. Le cuir dans ma bouche me déplait, je m'en débarasse. Il me faut une saveur apreciée, je prends Arkenn. Il est là ... Il est avec moi. Je n'entends que le bruit des voix autour, je reconnais celle de Brunin pas loin. Vidarr laisse Lindisfänn s'occuper de moi, je vois clairement sa chevelure de braise devant moi. Vilhelmine est sortie de mon champ de vision ... Il faudra vraiment que je la remercie.
Je donnerais n'importe quoi pour mourir.


J'ouvre les yeux, et je ne vois que des choses flous. Peut être est-ce des visages ... Ce sont les premiers que je vois. Il fait terriblement froid ici, tout me semble rude. Je sens pour la première fois l'air entrer dans ma poitrine.
Et je pousse mon premier cri. Oh j'ai crié bien des fois ... Mais jamais on ne m'entendis. Pas même moi. Je l'entends, ma propre voix.
On me détache de ma mère en coupant ce dernier cordon.
Je suis né.

Lindisfänn pose le petit être sur ma poitrine. Je le regarde un instant ... Oh retirez le de ma vue. Je ne supporte pas ... Il me fait souffrir. Encore plus vivement que la souffrance de sa naissance. Il me laisse un gout amer dans la bouche, une désagréable sensation de gêne dans la gorge. Il m'etouffe, il me tue. Oh non Lindi ... Reprends le. Ne le laisse pas sur moi, je ne veux pas de lui.
Mais ... Ils ne pourraient pas comprendre. Il faut sauver les apparences. Elle me parle de responsabilité, que je suis la seule à pouvoir assurer sa survie. Je suis forçée de mettre mon sein à leur vue, et de lui offrir à lui.

Voila notre première rencontre.
Je regarde ton corps sale, j'observe ce visage qui est tien. Ton regard est vide, refuses-tu de me voir ? Tu es si frêle ... Je n'y arrive pas. Je vois Lindisfänn te cajoler ... Et moi je ne peux pas. La voir faire ça ne produit rien en moi. Strictement rien. Je ne suis pas touchée, je ne suis pas jalouse, je ne suis pas blessée. Je ne fais que te regarder, et je te vois. Je vois ce que tu es, je ne vois pas qui tu es. C'est ton enfant Gwennan, qu'ils me disent. Non, tu n'es pas mon enfant. Tu ne m'appartiens pas, tu es un enfant. Tu es un être dépendant de moi, et je suis la seule à décider de ta vie. Je t'ai laissé vivre tant de temps en mon sein ... Les Dieux savent que j'ai voulu te tuer. La fenêtre et le contre-bas me semblaient une solution acceptable. Non ... Quand ta vision s'impose à moi, quand ta pensée m'envahit ... Il n'y a plus de place pour Arkenn. Il est absorbé. Tu détruis notre histoire.
Pauvre bébé, toi qui n'a rien demandé ... Tu es messager de tellement de souffrances.
Devrais-je m'en aller ? Devrais-je me soustraire à cette responsabilité ?
Quel plaisir y a-t-il a être appelé "maman" ? Je ne comprends pas. Je ne vois pas quel plaisir tu pourrais être. Certes tu m'inspires ... C'est normal, tu m'as volé mon talent en déformant mon corps.
Un jour, je te reprocherai d'avoir tué ce talent.

Serai-je assez forte pour t'accepter ?
Je voudrais arriver à t'aimer. Ton père t'aime déja ... Je crois que tu lui es un réconfort.
Tu représentes l'echéance de la pire expérience de mon existence. Peux-tu être un dénouement heureux ?
Sera-tu digne ? Saura-tu faire ma fierté ? Fera-tu tout pour gagner mon affection ?

Je me lève pour te regarder encore une fois.
J'aimerais que nous nous comprenions. J'aimerais arriver à une relation correcte entre nous.
Mais en attendant, ne prends pas ombrage de mon attitude. Tu comprendra fort rapidement la necessité de porter des masques.

Tu es notre fils, Liam Arkenson.