Du gouffre à la lumière.

Comme tous les matins depuis une semaine, il se levait l'esprit embrumé et l'âme déchirée. Vers le milieu de matinée, il allait se promener dans les jardins de Padhiver pour y sentir le parfum des roses et réfléchir sur son sort.
Quant il rentra ce midi là pour prendre un frugal repas dans sa demeure, il trouva devant sa porte un novice du temple de Torm qui l'attendait pour lui remettre une invitation émanant du grand prêtre.
"Enfin..." s'est il dit "je vais enfin pouvoir me confesser".
Il parcouru le chemin à pied, simplement vêtu et arriva au temple du Pur. Il regarda un moment l'océan puissant et majestueux et entra dans la demeure de son Dieu.



Passé à la citadelle pour prendre des nouvelles de son ami Thamriel Brillétoile, il franchit la porte de son bureau. Un moment après il se sentit partir, il sentit son esprit s'envoler vers un lieu fait de vapeurs et de lave...et il vit. Il vit le visage de celui par qui tant de soucis étaient arrivés, le visage du chevalier Celtoras, déformé par la douleur, le corps meurtri.
Les paroles que Torm exprimaient la veille par la bouche de son prêtre résonnaient encore à ses oreilles quand il franchit le pont levis à bride abattue: "Le mal frappera les mêmes personnes que tu as haïs...".
Le Mont Chaudenow! Peredur l'avait reconnu dans sa vision, pour avoir une fois tenté son exploration par curiosité et soif de savoir. C'est donc vers son destin qu'il chevauchait à vive allure, en longeant la rivière, plein Est.


Il distinguait le mont volcanique qui pointait à travers les nuages. Arrivé aux contreforts, il attacha sa monture à un arbre près de la rivière. Puis s'étant équipé, il entama la longue ascencion. Une lieu plus loin, sortant du brouillard, des formes démoniaques occupaient le chemin. Les craintes de Peredur se confirmaient: le mal était de nouveau à l'oeuvre! Il chargea et abbatit d'un coup une succube qui venait à sa rencontre toutes griffes dehors. Les autres succcubes furent tranchées et lacérées avec la
même régularité quasi mécanique de combattant imperturbable. Il octroya la même bénédiction aux soeurs maudites que les premières tombées tentaient de convoquer. Quant une forme plus haute, plus imposante se dressa. Une forme qui dominait Peredur du double de sa hauteur ...qui le pointa de son bras terminé d'une pince, un feulement sortant de sa bouche. C'est au cri de "Torm!" que Peredur assaillit le démon, l'obligeant à reculer et à céder sous l'assaut. Le sol trembla quand la masse disloquée s'affaissa.
Puis la longue ascension recommenca, tantôt perturbée par l'apparition de quelques succubes imprudentes dont les membres volèrents au fond des précipices rougeoyant, tantôt interrompue par des nuées ardentes ou des bombes volcaniques frôlant son corps si frêle devant l'immense montagne rugissante.
S'orientant dans les vapeurs et les poussières, il franchit des boyaux, des tabliers de pierres abattus en travers de précipices et arriva où son rêve devait le mener...au bord du cratère, de ce lac de lave en fusion, où chaleur et vacarme agissaient de concert. Et il vit...

Il vit un autre démon au corps massif de cuir épais et sombre, dont les yeux réflètaient toute la haine des Cercles Inférieurs et la lueur du magma.
Une exalaison sortit de sa bouche: "Que fais tu la? misérable mortel!"
Sur une corniche, plus loin, en équilibre improbable, soutenu par des liens invisibles et puissants étaient le corps de Celtoras.
"Je suis venu te combattre et libérer cet homme, engeance!" hurla Peredur pour couvrirle grondement du magma.
Le démon recula pour se rapprocher du prisonnier. Peredur l'arme au clair s'approcha.
"Tu ne peux rien contre moi! Si tu me combats il moura, car ma vie est liée à la sienne et vos morts réjouiront mon maître!"
Et comme pour appuyer ses dires, l'énorme démon tendit sa main vers la corniche et une partie de la roche s'affaissa dans le vide rendant la position de Celtoras de plus en plus précaire.
Dans l'esprit de Peredur résonnaient les paroles du prêtre: "Montre que ta foi peut te guider vers le Bien. Montre que ton courage dépasse ton coeur et tes faiblesses d'homme..."
"Torm donne moi la force!" et au démon: "Prends ma vie! mais laisse le partir!" Peredur pensait au lac de lave et s'en approcha. Le démon se saisit d'un bloc de basalte et le jeta loin en contrebas. Ils virent la gerbe rouge d'étincelles quand celui-ci disparu dans le lac.
- Et bien suis cette pierre....
- Je te combattrai et te tuerai!
- Tu ne peux rien contre moi!
Et le démon plongea sa main griffue dans sa cage thoracique pour en extraire un coeur palpitant, énorme et malsain. Il jeta cet organe dans l'abîme et le coeur au lieu de s'enflammer et de disparaitre, grésilla, se racornit et se mit a flotter sur la roche en fusion.
- Maintenant je suis réellement invincible, ricana l'abomination, d'où depuis sa plaie béante gouttait un sang noir.
Puis le démon chargea lourdement et Peredur esquivant l'assaut se retrouva près de Celtoras à qui il tendit le bras. Une barrière invisible l'en empêchait.
Le démon attaqua à nouveau et Peredur, agilement repassa de l'autre côté.
Le troisième coup que porta le démon rebondit sur le pavois du chevalier qui contrattaqua en tranchant le bras du démon. Celui hurlant fit quelques pas en retraite.
Le sol trembla, le niveau de la lave montait.
Dans la ville de Padhiver, le brusque réveil du volcan avait créé un vent d'inquiétude.
Celtoras semblait crier des choses à Peredur, mais le vacarme assourdissant du volcan était si intense...
Le bras du démon repoussait!
Peredur plongea son regard vers le lac et vit le coeur.
Le démon suivit le regard du chevalier en armure dorée et un voile d'inquiétude passa sur ses yeux méchants.
- Je vais te tuer Démon! Il ne sera pas dit que Peredur Coeurétoile d'Eauprofonde aura eu peur de la souffrance et de la mort! Pour le Bien et l'Amour!

Peredur avait donc localisé le coeur du démon. Il recommanda son âme à Torm. Lorsqu'il s'enlanca dans le vide, ses dernières pensées allèrent à Nada. Le démon était trop lourd et trop loin pour le contrer. Comme un éclair d'or il tomba dans le lac de lave et attrapant le coeur du démon, le broya entre ses poings fermés. Plongé vif dans la roche en fusion, il hurla en souffrant mille morts et lentement son corps et son esprit sombrèrent dans le gouffre.
Mort et néant, ainsi soit il...bientôt Torm, je te rencontrerai...



Le délice et le calme de la mort. Il était là, allongé sur la roche. Il ne sentait plus rien, ses pensées étaient légères.
Puis il ouvrit les yeux sur ce monde nouveau. Au milieu des vapeurs, il était allongé dans un espace gris mal défini et un grondement sourd occupait l'atmosphère.
A sa gauche était allongé une forme. Il rampa jusqu'à elle et reconnu celui qu'il était venu délivrer...puis comme une douleur supplémentaire, le souvenir du combat et de la chute lui revint. Son visage se mit à lui faire de plus en plus mal alors qu'il vit du sang s'échapper du ventre de Celtoras, à l'endroit où son armure était réduite en morceaux.Ils se rendirent à la dure réalité; ils vivaient! Ses pensées allèrent à Torm et le Dieu encore une fois lui donna le courage et la force de se relever et d'aider son compagnon.
Ils descendirent du volcan, comme deux ombres meurtries, passées au feu du volcan et du jugement divin. Ils se soutinrent, progressant à genoux, rampant, crachant du sang tant l'atmosphère chargée de poussières était corrosive. Ils franchirent les boyaux et les passerelles de pierre à tâton, les jambes meurtries.
Puis l'air se fit plus respirable et après avoir herrés vers l'air frais de la vallée, ils découvrirent la rivière il s'y laissèrent choir.
La fraîcheur de l'onde offrit une douce carresse au visage brûlé de Peredur.

C'est deux hommes au bord de la mort qui arrivèrent en vue des murailles de Padhiver. Deux chevaliers, l'un au visage brûlé, l'autre tenant ses intestins entre ses mains. La garde sonna du cor et Celtoras fut transporté au temple du Juste. Peredur suivait la civière où Celtoras avait sombré dans l'inconscience et arrivé devant le prêtre fut satisfait de voir que la magie divine stoppa l'hémorragie.

"Va! tu sauras me revenir!" avaient été les dernières paroles du prêtre dont Peredur se souvint en poussa à nouveau la porte du temple du Pur.Il rampa presque jusqu'à l'autel
Et dans un dernier souffle dit:
"J'ai obéi et accompli ma mission..." avant de s'effondrer, évanouï sur les dalles froides.

Au dehors, la constellation du Lion brillait à l'horizon, se réflétant sur l'océan.