Il faisait nuit désormais, les lourds nuages déchargaient leur neige, voilant la lumiere blafarde de la lune.
Blashen venait de perdre pour la cinquieme fois consécutive, en tout, près de trente sous de cuivre. Une chance qu'il n'ait pas de famille à nourir, et que la garde de Targos se chargait de le nourir lui. Mais à ce train là, c'est toute sa paye qui allait y passer !
La lumiere qui provenait des braséros filtrait à travers les fenetres du poste de garde, véritable phare pour ceux venus de l'éxterieur. Et en cette nuit glaciale, meme ce batiment spartiate prenait des allures acceuillantes et chaleureuses. Soudain, le bruit spécifique d'un pas dans la neige fraiche arreta le geste de Blashen.
- T'entends ca ? On dirait qu'il y a quelqun dehors.
- Ecoute, si tu veux te défiler, fallait le faire avant de miser.
Ignorant son collegue, le garde se leva et alla jeter un coup d'oeil à la fenetre. A cette heure, ca ne pouvait etre que le Capitaine qui venait faire sa visite surprise, ou bien un garde en faction qui se permettait une petite pause.
Le probleme, justement, c'est que le Capitaine venait de faire son inspection, et que les deux gardes étaient parfaitement à leur place. Encore plus troublant : eux aussi venaient d'entendre quelque chose. Blashen leur fit signe d'aller voir ce qu'il se passait, tandis que lui monterait la garde de sa fenetre. Prit dans ses tourments d'argent, il en laissa tomber les dès dans la neige, puis peu après un juron :
- C'est trop bete, je viens de faire tomber ces foutus dès !
- Blashen, si t'étais pas mon supérieur, je t'assure que t'aurais eu mon poing dans les dents depuis longtemps...
- Oh, la ferme, je vais les chercher. Monte la garde, et tache de rien me voler.
L'autre eut un rire guttural.
- De toutes facons, pour ce qu'il te reste !
La nuit était plus froide qu'il ne l'avait prévu, et plus sombre aussi. De plus, la neige qui tombait à gros flocons n'allait pas l'aider dans ses recherches. Il poussa un soupir, puis fouilla l'épais tapis gelé de sa botte quand un objet encore plus glacé se glissa sous sa gorge.
-Pas un bruit...
Blashen crut reconnaitre ce murmure. Il ne l'avait pas entendu depuis huit mois au moins. Il était plus rauque que dans ses souvenirs.
- Se..Sergent ?
- Ce qu'il en reste... Passe le bonjour à l'Imperceptrice, et à Villemage de ma part...
- Comment cela ? Qu'allez vous faire ?
Le sergent ressera son etreinte pour le convaincre de baisser le ton. Puis il rapprocha son visage de l'oreille de Blashen, et dit d'un ton quasiment innaudible :
- Almirande, Blashen.... Almirande...
- Quoi ?
Les deux gardes revenaient prendre leurs postes, il était grand temps pour Nathaniel de partir. Le sergent lacha son emprise et passa la grande porte, puis s'évanouit dans l'obscurité.
Blashen était tombé face contre terre, le nez devant ses dès à demi recouvert de flocons...