Soudain, Lolinian se figea. Le silence s'était fait autour d'eux, on entendait à présent que la brise dans les grands arbres et le murmure du ruisseau qui courait son chemin dans son lit de pierres.
« Cours !!! » Hurla t'il, Silaqui affolée n'eut que le temps de se faire volte face. Un javelot la transperça de part en part pour la clouer contre l'arbre qui se dressait à coté d'eux.
Les buissons qui se dressaient sur la petite butte, plièrent brutalement sous la charge des humains et d'autres javelots fusèrent en direction du rôdeur sans l'atteindre.
Il couru alors aussi vite qu'il put, distançant ses poursuivants.
Les sentinelles du village perchées dans les arbres le virent arriver et l'alarme fut donnée.
Les cris rauques des orcs mêlés à ceux des humains qui résonnaient dans la forêt provoquèrent une grande panique parmi le peuple de la forêt. L'ennemi avançait rapidement, écrasant tout sur son passage, mais déjà leurs chiens de guerre déboulaient dans le village et se jetèrent sur tout ce qui passait à portée de leurs crocs.
Lolinian s'était réfugié dans un chêne, fou de colère de s'être laissé surprendre de la sorte, il était désarmé! La horde se déversa comme un marée destructrice, massacrant ceux qui tentaient vainement de protéger les leurs...
Les flèches sifflèrent des arbres, des corps percés de traits s'écroulaient mais rien ne semblait pouvoir arrêter cette vague qui s'abattait sur la petite communauté.
Sa colère se mua en désespoir et il demeura ainsi caché dans le feuillage de ce vieux chêne... Les derniers survivants de la petite communauté furent fait prisonniers et devinrent l'objet de jeux cruels et de viols répétés avant que la mort ne viennent les délivrer.
A la tombé de la nuit, il ne restait rien.
La horde s'en était allée laissant derrière elle un champ de désolation et de mort. Le rôdeur descendit de l'arbre et contempla les ruines de ce petit village qui, il y a peu, fêtait la venue du Printemps.
Lolinian déambulait, le regard vide, parmi les corps sans vie et souvent méconnaissables. Il s'arrêta au milieu du charnier. Se laissant tomber à terre, il pleura.. pleura encore et encore, maudissant dans ses larmes ces orcs et ces humains... Il ne comprenait pas, il ne savait pas pourquoi ils étaient venus.
Pacte de Sang
Le Temps s'écoula, silencieux et imperturbable sur les sépultures à présent disposées en cercle autour de lui et qui parsemaient le lieu du massacre.
Le rôdeur, prit son grand arc et une flèche. Pointant une à une les tombes il prononça des mots terribles sous le regard de la Seldarine, accomplissant l'antique rituel de sang qui devait conduire les meurtriers vers une mort certaine jusqu'à l'assouvissement de sa vengeance.
Il adressa un chant à Solonor Thélandira afin que chacune des flèches promises à ses proies leurs soient fatales..
Un dernier regard vers les ruines du village...
L'ombre de l'elfe glissait comme le vent par dessus les fougères et les racines, il ne prenait pas le temps de pister la horde tant les traces étaient nombreuses et visibles.
Ils abandonnaient les blessés derrière eux, mais Lolinian ne prenait pas la peine de les achever car il connaissait le sort réservé aux faibles qui se retrouvaient perdus dans les bois obscures.
Les traces fraîches obliquaient vers le nord, Lolinian gagnait du terrain.
Le soleil était à son zénith, le rôdeur reprit sa chasse après une brève halte pour se désaltérer et manger un peu.
Il s'arrêta une lieue plus loin, une odeur de feu de bois et de viande grillée flottait dans l'air.. son pas se fit plus léger et plus silencieux.
A une demi lieue, il venait d'apercevoir un orc accoutré de morceaux d'armure aux couleurs criardes puis rapidement un autre et devina également la silhouette de l'un des humains qui les accompagnaient.
Lolinian avançait... silencieux, son regard se fit plus dur et sa main était crispée sur son grand arc.
Il s'avança encore jusqu'à se trouver à portée de voix de ce qu'il restait de la horde.. Ils les entendaient parler sans comprendre ce qu'ils disaient, mais ce devait être très drôle car des rires gras fusèrent.
Solonor Thélandira
Le rôdeur s'immobilisa tout contre un vieux pin. Sa respiration se fit plus calme se forçant à chasser toute colère, alors les battements de son cœur ralentirent... Il concentra ses sens sur le pin contre lequel il se tenait accroupi, le parfum de résine l'envahit peu à peu puis il rouvrit les yeux... ses yeux vert pailletés d'or étaient dilatés à l'extrême tant sa concentration était grande.
Il demeura immobile un long moment, caché au yeux du monde... invisible. L'orc lui tournait le dos, d'un geste lent il prit une flèche et l'encocha.
L'arc bandé, il murmura.. « ..Œil Perçant.. » et lâcha la corde.
La flèche fila, le trait de mort parcouru en un éclair la distance qui la séparait de sa cible et... l'orc se raidit.
Lolinian n'attendit pas de voir si l'orc s'était écroulé, il fit volte-face et quitta sa position silencieusement en profitant de la végétation pour rester à couvert. Des cris fusèrent...bruit des armes tirées des fourreaux puis de cavalcade.
Nouvelle position, en hauteur sur un butte en pente douce, Lolinian dominait le vallon qui s'étendait devant lui. Un bref coup d'œil lui assura qu'il n'avait pas été repéré, sur sa droite le corps d'un orc gisait face contre terre.
Il n'était pas difficile pour lui de semer ces barbares, la forêt était son domaine..
Applatti sur le sol, il releva légèrement la tête pour évaluer la situation. Le groupe se trouvait à une centaines de pas de lui. Ils étaient peu nombreux, les sentinelles du village de la forêt de l'Orée avaient fait de nombreuses victimes avant de tomber... Lui ferait donc le reste.
Orcs et humains cherchaient, fouinaient dans les recoins d'ombres en donnant des coups d'épée dans les épais buissons qu'ils rencontraient, d'autres gardaient les yeux levés vers les hauteurs des arbres...
L'un des humains se rapprocha de la butte, gravit lentement la pente douce. Lolinian jura en silence et quitta derechef sa position pour trouver refuge en arrière, derrière un amas de rocher couvert de mousse et de lichen.
L'humain apparut, l'épée à la main.. cherchant et fouillant, attentif aux moindres bruits..
Un sourire mauvais se dessina peu à peu sur le visage du Rôdeur... il imita le cri d'une chouette et fit bruisser les feuilles mortes qui recouvraient le sol à ses pieds.
Sitôt fait, Lolinian escalada les rochers, restant hors de vue de son ennemi. Il examina rapidement la surface humide et froide de la roche et ferma les yeux.. il percevait avec précision la position de l'humain qui s'était rapproché, attiré par ce bruit insolite. L'elfe se déplaçait latéralement à mesure que sa proie avançait... comme une araignée... Maintenant ou jamais ! Pensa t'il. Un bref coup d'œil dans son dos lui assura de ne pas être en vue des autres. Il se saisi d'une flèche, bondit au sommet de l'amas rocheux. L'humain n'eut que le temps de lever les yeux vers la silhouette du rôdeur qui se découpait dans la lumière du soleil...
La corde de l'arc vibra.. l'humain s'affaissa, sans pouvoir crier le moindre mot..
La chasse dura deux jours et deux nuits, d'aucun des assaillants n'en réchappa et la colère de Lolinian s'estompa lentement avec le temps mais la haine qui l'animait, elle, ne pourrait jamais s'essouffler..
Il quittait la forêt de l'Orée, prenant à présent la direction du sud et laissant derrière lui les ombres de cette petite communauté de Or'Tel'Quessir qui l'avait accueillie autrefois.
Les saisons passèrent...
Étrange rencontre
L'hiver se faisait rude cette année là, le rôdeur avait trouvé refuge au cœur d'une forêt de pins et de mélèzes. Le blizzard hurlait à ses oreilles et la neige lui fouettait le visage, Lolinian avait quitté son abri car il lui avait semblé percevoir la plainte d'un animal blessé au cœur de la nuit tourmentée.
Alors qu'il avançait péniblement, il ne vit pas le vide qui s'ouvrait sous ses pieds et il dévala la petite colline abrupte. Enfoncé dans un épais tapis de neige, le bael restait pétrifié en fixant le Worg qui était en train d'entamer son repas à quelques mètres devant lui. L'immonde créature avait déchiqueté ce qui, quelques instants auparavant était un loup.
C'est alors que Lolinian cru entendre un petit jappement. Malgré la fureur du vent il perçut clairement les petits cris. Les yeux rivés sur le Worg qui ne l'avait toujours pas vu, il tentait de localiser l'origine de ces petites plaintes... il baissa les yeux.
Une petite boule de poiles s'était trainée jusqu'à lui et le regardait de ses grands yeux gris, tremblante sur ses pattes, c'était un tout jeune loup..
Lolinian réalisa que le cadavre que dévorait le Worg était celui d'une louve et il en conçut une grande colère. Si grande, que la peur qui le clouait sur place s'était volatilisée, il dégaina sa dague.
Se recroquevillant sur lui-même, il se tenait près à bondir. Et c'est ce qu'il fit.
Au même instant, la créature tourna instinctivement la tête, fixant le rôdeur de ses yeux rouges, la gueule béante et dégoulinante de sang encore chaud.
Le choc fut terrible.
Lorsqu'il reprit conscience, une douce chaleur avait fait place au froid mordant de l'hiver, et ses oreilles percevaient à présent le crépitement d'un feu.. Il ouvrit lentement les yeux. Il vit tout d'abord un plafond de bois et d'herbes sèches où dansaient des ombres.
Il était allongé sur un lit de paille, chaudement recouvert de peaux de bêtes. Ses membres lui faisaient mal et ses souvenirs étaient confus.
Il promena son regard tout autour de lui et croisa celui d'une elfe.
L'inconnue se tenait assise non loin de lui, son visage anguleux était marqué par d'étranges tatouages et les vêtements qu'elle portait étaient aussi de peaux de bêtes. Elle tenait dans ses mains un mortier et ses doigts étaient maculés de taches bleutées
L'étrange elfe baissa les yeux et sourit, Lolinian suivit son regard et reconnu la petite boule de poiles lovée tout contre lui. Le louveteau qui dormait paisiblement, leva son museau vers le rôdeur les yeux pleins de sommeil puis se rendormi.
Lolinian ne sut jamais qui était cette elfe qui l'avait sauvé des crocs du Worg, mais il quitta la cahute par un clair matin de printemps. Le ciel était dégagé et un vent frais caressait son visage ; Son visage... son visage à présent marqué de tatouages bleutés.
Le rôdeur reprit son voyage avec la certitude que cette rencontre resterait gravée au fond de lui car ce matin là, il fut réveillé par les rayons du soleil filtrants à travers les trous dans le toit. Le feu dans l'âtre était mort depuis bien longtemps et une épaisse couche de poussière recouvrait le mobilier que le temps avait rendu fragile...
...mais cette fois il n'était plus seul car le louveteau courait derrière lui.
Il s'appelait Ethrys.