Caer Dineval avait été fraîche ce jour-ci, et la soirée n'échappa pas à la volonté d'Aurile. Malgré tout devant les portes scellées magiquement quelques hommes et femmes commençaient à se regrouper, arrivant chacun calmement, souvent affublés d'un bâton. Les villageois du ValBise voyaient ça étrangement, mais après tout ce n'était pas les premiers qu'ils voyaient. Mais ainsi réunis.... c'était d'un certain côté aussi effrayant que fascinant.
Les représentants de l'Art, du ValBise comme du Sud, étaient venus assister à la Foire de Mage.
Chacun connaissait les règles de ce rassemblement, des règles communément acceptées tant elles relevaient parfois du bol d'air entre querelles quotidiennes qui animent les arcanistes. Pas de violence envers une personne, sous peine de se voir tuer en une fraction de secondes dans une mort des plus rapides par les autres mages présents.
Le duel était bien sûr accepté, et il n'était pas rare d'en voir, pour marquer fierté ou compétence, l'aune de Mystra rendait généralement ce genre de duels inoffensifs.
Tout le monde rejoignit la salle, s'installant et faisant chacun preuve de son caractère, dans une ambiance sereine. La Lady de Termalaine avait revêtu un de ses plus belles robes, habituellement réservée aux représentations. Mais n'en était-ce pas une ? Une représentation d'un Art qui lui tenait à coeur, un Art que son sang recelait.
Elle prit place aux côtés du Légat de Bryn Shander, entre voisins.
Le thème fut dévoilé. La conception de l'espace et du temps et son application pour le sortilège de téléportation.
Inspirant un grand coup, Lyalin garda contenance. Elle ne connaissait presque aucun sortilège de transmutation ou d'invocation, et elle sentait bien que le débat porterait sur l'utilisation de ces deux écoles. Malgré tout, la maîtrise des sortilèges de son sang n'avait pas été faite sans étude théorique, nécessaire pour appuyer la pratique et l'appréhension de pouvoirs d'un certain niveau. Elle s'accrocha, jetant un oeil à son compagnon de la soirée qui semblait à son aise.
L'Archimage commença à exposer sa théorie, non sans heurt car beaucoup de personnes décrochaient. Ce fut le cas pour la Marquise de Lorgol Annika, qui quitta la salle d'ennui.
La théorie dans l'ensemble se comprenait facilement, mais les détails étaient plus difficiles à assimiler pour les deux ensorceleuses de la salle, Xileyrah et Lyalin. L'Archimage fit preuve d'un sang-froid remarquable et leur expliqua, répondant à des questions qui parurent certainement futiles aux mages, et un mage masqué visiblement connaisseur ne manqua pas de manifester son ennui devant les questions des femmes.
Ainsi apprit-on que la téléportation, qualifiée de suprême par l'Archimage, pouvait être appréhendée comme un raccourci temporels entre deux points spatiaux identiques, à la condition de se représenter l'espace et le temps de façon linéaires, soit dans un repère. Comme chaque repère est propre à un plan, ce qui fait ainsi la diversité du Multivers, il est donc impossible de les transposer de façon interplanaire, ce qui explique pourquoi la téléportation n'est possible qu'à l'intérieur d'un même plan. La mémoire temporelle, terme cher au conférencier, permet ainsi de garder en mémoire le point dans le temps, en cessant de bouger l'axe temporel du repère. Seul l'axe spatial devient variable du schéma.
Seulement une question se posa rapidement. Comment transférer sa personne d'un point à l'autre ?
La ruse consiste en une image mentale intégrée dans le schéma mental du sort, permettant ainsi de passer outre le "voyage" entre les deux points de l'espace, aussi instantané soit-il.
Furent mis en évidence des paradoxes qui semblèrent ravir les mages, et des questions sur les énergies mises en exergue par la théorie. Le mage masqué intégra même une autre façon de voir vis à vis d'ondes fluctuantes. Une onde étant une possibilité, traversée par un axe linéaire représentant la réalité, il serait donc possible pour se téléporter de trouver l'onde correspondant à la possibilité d'être présent à un point donné, et l'intégrer dans l'axe du réel.
Quoiqu'il en soit, les interventions fusèrent de la part de l'Archimage et de ce mage masqué, tandis que la Lady écoutait, non sans efforts et difficultés, mais la volonté y était. L'épanouissement de l'esprit est un plaisir qui peut être au moins aussi intense qu'un autre, et elle l'effleurait dans cette discussion. Les plaisirs intellectuels touchaient directement à l'esprit, source du plaisir, ce qui était différent des sens concrets, mais pas moins agréables. Sharess, tant de domaines se rapprochant de la plénitude des sens à découvrir...
L'ancienne Loviate Xileyrah écoutait également, à quelques centimètres, en prenant des notes. Elle était semblait très intéressée également, et Lyalin en profita pour étudier son visage, ce qu'elle n'aurait sûrement jamais l'occasion en-dehors de ses murs. Elle devait avouer qu'il était fin, il était joli. Dommage que sa peau soit lacérée de cicatrices, et que ses soirées furent consacrées aux joies du fouet. Triste humanité, qui a besoin de pratiques malsaines pour avoir l'illusion du bonheur, que d'esprits trompés par eux-même, s'auto-alimentant de ces conceptions erronées.
L'exposé se termina finalement, et quelques questions de la part des deux derniers présents, le mage et la Lady de Termalaine, furent posées à l'Archimage. Ce premier se permettant des remarques et des divergences d'opinion fort intéressantes, les deux mages échangeant leurs idées en un débat respectueux et courtois.
Lyalin s'en régala. Elle en vint même à proposer une idée qui avait germé dans son esprit, celle-ci s'avéra en réalité traitant d'un autre sujet que la téléportation, mais les mages apprécièrent l'effort visiblement. Ils lui signifièrent non sans insister sur son ignorance des théories magiques poussées. Elle s'en fichait, elle avait pris son pied comme on dit.
La prochaine foire de mages aurait sûrement lieu au même endroit, derrière le petit lutrin de conférence. La Lady réfléchissait déjà à un sujet.
Elle n'éavait pas pu participer concrètement au débat en témoignant de sa vision du fonctionnement de ce genre de sorts, pour la simple et bonne raison qu'elle ne les maîtrisait pas. Et ne les maîtriserait sûrement jamais d'ailleurs, si son sang ne lui permet pas d'y accéder.
Mais cette fois-ci, elle espérait qu'avec son thème, les ensorceleurs auraient enfin la parole pour débattre avec les mages de leurs visions divergentes sur la façon d'appréhender les sortilèges, par la symbolique et l'imagination plus que par la théorie et les sciences occultes.
En fait... tout le monde n'attendait que de pouvoir confronter ses visions des choses.
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