Je prend quelques temps pour prendre ma plume, et conter au lecteur attentif et si désireux d'apprendre cette quête à laquelle j'ai participé il y a de cela quelques jours, aux côtés d'une escadre de la Légion Ecarlate. L'aventure n'a, et que Talos me foudroie si le mensonge venait insidieusement se placer sous mes doigts tout entiers tournés vers la recherche de La_Vérité, rien d'épique, rien d'extraordinaire. Nul dragon, nul monstre aux capacités surnaturelles, nul groupe sectaire aux envies malsaines et nocives. Je gage malgré tout que votre désir de connaître cette aventure est renforcé par le fait qu'elle peut vous arriver à tout moment, car si elle peut paraître anodine, il va sans dire qu'elle est donc forcément plus courante, fréquente.
Et comme dit très justement le Premier Lecteur de Chateausuif : "L'enfant apprend autant des histoires et épopées que l'homme sage des choses de tous les jours."
Toujours à votre service, constamment recherchant des histoires et aventures à conter, je me penchais récemment sur la constitution d'un ouvrage, une compilation, un guide... C'est dans le cadre de ces recherches poussées, en tous milieux de la ville, que mes pas me poussèrent vers de nouvelles recrues de la Légion. L'on disait ce corps antique, une pièce de museum luskanien, mais son récent sang neuf - expression fort appropriée pour la Légion Ecarlate - semble démontrer que ses capacités d'adaptation sont toujours effectives. Rapidement retrouvés par d'autres membres plus illustres, sûrement pour chaperonner Gregor d'Auroch et Ali Abdul Ibn Khaldoun, la troupe entama un sujet épineux, le vol de leurs chevaux. Je me joins à eux, sur invitation aimable de la belle et robuste Lindisfann, soeur de Arkenn le blond barbare et Tristan qui se serait fait appeler le Titan depuis un mandat au Conseil de Padhiver, la ville rutilante. Tous trois étaient les chefs d'expédition.
Discutant avec les palefrenier de l'institution familiale des écuries de Luskan, nous n'apprîmes pas grand chose. Les dieux souhaitaient nous voir marcher, et faire marcher notre cerveau sans avoir des informations tombant du ciel, bénie soit leur intention louable qui me permet de vous conter la suite.
C'est là que nous rejoignit la désormais connue changeforme de Luskan, femme aux mille et un visages... et je dis femme, car c'est son apparence la plus commune. Après tout, cher lecteur vous pouvez également goûter à ce questionnement intéressant, peut-on réellement la qualifier par rapport à son apparence ? A ses traits physiques ? Cette Aggartha possède un panel aussi riche que varié de formes qu'elle adopte d'une simple pensée, le tableau qu'elle offre donc à un moment donné, celle de cette halfeline au bâton de sourcière, n'est donc qu'un voile sur ce qui fait réellement son identité, son âme, son esprit, soit ses motivations profondes. Et cela nous renvoie à chacun de nous, qui sommes-nous derrière ce que nous montrons, ou souhaitons montrer ? Nous connaissons-nous même ?
Laissons de côté ces débats philosophiques, bien que je ne puis que vous encourager à les poursuivre dans un coin de votre esprit. Aggartha adopta donc une forme fort appropriée, celle d'un loup assez caractéristique de la région de Luskan. Ainsi put-elle renifler la brosse du grand Arkenn, la brosse de Totem-Skaven. Pardonnez l'écriture phonétique du nom de ce cher cheval, mais ce que certains qualifieraient de borborygmes, mais que dans mon respect de toute culture j'appellerai tout simplement des consonances autochtones, sont relativement dures à transcrire sur le velin.
Nous voilà donc partis en direction du Nord avec Youpi la hin, accompagnant le loup pour des recherches plus réfléchies, les premiers pics de l'Epine perçaient à peine dans le crépuscule et les nuages qui viraient sur le rose, nous livrant une fine pluie lassante. Bien que la torture de la goutte d'eau fut certainement pire, et je ne conterai pas là l'équivalent que j'ai subi en d'autres temps, cette "pisse" comme disent les habitants des fermes alentours étaient véritablement un supplice.
Puis un pont, passant au-dessus de ce qui devait être un torrent de montagne, se calmant dans la plaine de la Côte... avec une vieille femme qui s'empressa d'empocher une bourse peu remplie. On ne maltraite pas les personnes âgées dit-on, les parents responsables inculquent cela à leurs enfants, et dans certaines cultures on raconte même que les anciens sont empreints du souvenir de toute la lignée, que les esprits des prédécesseurs vivent à travers celui de l'ancien de la famille. Aussi évita-t-on de la maltraiter, l'honneur était sauf, et elle révéla au genre que toute mère rêvait d'avoir, Arkenn, quelques informations fort utiles. Des voleurs de chevaux l'avaient recrutée pour occuper l'attention des victimes... et vous vous rendrez compte que les vieilles leçons des parents peuvent donc être un leurre, car les âgés ne sont pas plus dépourvus de fourberie ou de malice que chacun d'entre nous. Qui irait aider Halaster à acheter son beurre à l'épicerie ? Qui irait rendre visite à Szass Tamm pour voir s'il a bien mangé ? Je vous l'accorde, une liche ne mange pas.
Le groupe des voleurs n'était pas loin. Point de brigands idéalistes, de voleurs des grands chemins, non, des gens comme vous et moi, des gens qui ont été dans le besoin, qui ont du tout abandonner pour vivre dans l'exclusion, au crochet d'une société qu'ils volent pour manger. Oui, la misère, le besoin, la pauvreté, la réalité cruelle de ce monde, et tel est mon devoir de vous la conter.
Le Glorieux, le chef de l'équipée, se trouva être celui que je charmai d'un tour appris il y a plusieurs années, lui demandant d'aller assouvir ses besoins naturels dans le bois à côté, pour permettre à la troupe d'avancer, la discussion fut entamée juste après. Les voleurs souhaitaient revendre les chevaux aux Légionnaires, tandis que je réfléchissais à un moyen d'en prendre un, de me l'approprier, d'un coup d'un seul, en bondissant au-dessus des tentes du campement, car ils ne m'avaient pas remarqué. Mais je dus me résigner, ma maîtrise de l'équitation était loin d'être assez élevée, j'attendai donc le résultat de la négociation, qui tourna vite au vinaigre, quand la jeune Youpi tua un brigand dans le dos, coupant ses jarrets et le bas de sa colonne d'un geste aussi vif que précis.
Après un affrontement rapide, le Glorieux essaya un coup désespéré, tentant de bluffer les Légionnaires en blessant les chevaux alors qu'il prétendait récupérer les selles. La vivacité de Tristan et Lindisfann permit d'éviter des dommages trop importants, mais ils furent blessés, et sans l'aide magique de Aggartha, il aurait été difficile de les ramener en vie. Il aurait fallu les manger pour ne pas les gâcher. Là encore, en faisant abstraction des coutumes des tribus nomades de l'est qui prétendent que les chevaux sont des envoyés des dieux sur Toril.
Rentrant finalement, ils rendirent un cheval à sa propriétaire... contre une belle somme, et se retrouvèrent pour festoyer dans leur campement, rêvant de future gloire, et goûtant au travail accompli.
(Anim Biquette, thanks !)