Main de Fer sur Caer Dineval

Citation :

La nuit volait l'espoir du coeur des hommes pour le piqueter en multiples étoiles, semées dans le voile infini de son firmament lointain...

La pretresse referma doucement la croisée de la fenêtre sur le paysage éternellement hivernal qui sommeillait, frissonnant sous son épais manteau neigeux. Elle aimait les rigueurs du climat, le froid purificateur qui figeait vices et vertus dans les cercueils de cristal de la Bienséance. Elle aimait le ciel plombé et les oiseaux noirs planant sur l'immensité de cette toile sombre: C'était de grands traits d'encre mobiles, esquisses délicates et abandonnées d'un dessin en devenir.
En se retournant, son propre reflet perdu au milieu d'un large miroir la questionna. Elle se trouvait belle parcequ'elle l'était, elle se savait dure car ses yeux de silex avaient l'éclat meurtrier des charmantes chimères, embusquées dans les contes et dévoreuses d'enfants. Elle n'était qu'un monstre sublime qui s'était dépouillé de l'angélisme pour mieux s'habiller de stupre.L'idée lui plut assez pour que fleurisse un improbable sourire sur des lèvres récemment peintes.

Une voix d'homme héla son nom et, une gorgée d'alcool brûla son réconfort factice jusque dans sa gorge. Elle trouva la force de répondre a l'invitation et glissa dans les draps moites du bourgmestre son corps de Lorelei pour une nouvelle étreinte mercantile.
Il lui parlait d'amour, des jours heureux a regarder tomber la neige, le soir, au coin du feu. Il lui contait avec emphase les joies simples de l'existence. Son ambition n'allait pas plus loin que l'acquisition d'un couple de chevaux, la satisfaction de son prochain caprice et l'édification d'un nouveau beffroi...En roulant entre deux courtepointes froissées, elle interrompait de temps a autres, ce chapelet de platitudes d'une ou deux suggestions dont la pertinence le surprenait toujours.
Il connaissait sa foi et avait fini de s'étonner qu'une femme de sa trempe puisse se montrer sentimentale. Il ignorait tout de l'implication dans cette débauche de mièvreries partagées, d'une demi douzaine de flasques de cognac dont les cadavres avaient été hativement empilées sous une latte disjointe du plancher.
Elle l'avait convaincu, alors que le temps dévidait lentement l'écheveau des jours, de l'interêt, au demeurant sincère, qu'elle portait a la prospérité de la petite cité. Jamais femme n'avait su l'écouter pendant de si longues heures discourir de timides reformes et de pusillanimes projets qui n'aboutissaient jamais pour d'obscures raisons qu'il était bien le seul a comprendre. Elle finit par s'installer dans son lit, dans son coeur, dans ses meubles, au conseil de la cité.....C'était une ombre discrete qui s'attachait a ses pas, et qui a force de le suivre, a la faveur d'un soleil changeant finit par éclipser complètement le pauvre homme noyé et heureux de l'être dans la félicité la plus totale.

Cette nuit là devait être la dernière....
Apres que le bourgmestre l'eut élevée au rang de chancellière, la petite place bourdonna de l'indignation des conseillers et des petits bourgeois, irrités de la prise de pouvoir de cette intrigante blonde au regard d'acier. Mais, une aube chassant l'autre, le vent avait dispersé rumeurs et jérémiades des plus clairvoyants.
Quand a présent elle avançait, drapée dans d'éternelles toges noires, couverte de peaux de betes, on chuchotait avant de s'écarter de son passage. Et, si le bruissement des murmures enflait dans son sillage, il s'agissant d'avantage de curiosité inassouvie que de la méfiance hostile des premiers temps.
Cette nuit la serait la dernière....
Une porte oubliée, a moitié entrouverte....
L'éclat meurtrier d'une dague que l'ombre se hata d'enfouir dans son pourpoint.....
Dans le ciel, l'oeil de Seluné se voila quand la gerbe de sang frais gicla haut dans l'atmosphère douillette de la chambrée.
Le rideau de la scène, rougit du sang versé venait d'être tiré mais, quand le public larmoierait devant la tragédie, serait elle la seule a rire de la bonne farce ?
Le lendemain, le village fut tiré de son sommeil a l'aube, la milice venait de mettre la main sur le prétendu coupable. Le sieur Hoddefroy était un riche propriétaire terrien qui avait toujours fait savoir, le verbe haut, la panse agressive qu'il tuerait de ses mains le bourgmestre si la mise en jachère de ses terres devait durer une lune de plus. "Le hasard" voulu que ce fut le dernier décret signé de la main du Bourgmestre de Caer Dineval. C'est avec le visage pâle mais les yeux secs que la pretresse se présenta au citadins endeuillés. Apres son discours, tous savaient que la main de fer glissée dans le gant de velours de la Fridhilde Lex, venait de tourner une page.

Officialisation de Lex comme dirigeante de Caer Dineval.

A l'aube, une missive fut adressée au responsable des troupes de Velsharoon en poste a Caer Divenal. En quelques lignes la Fridhilde Lex remerciait en des termes simples mais fermes le clergé de l'Elogieux pour son implication qui s'avérait désormais inutile puisque déja, derrière l'enceinte de la cité, la relève bainite se pressait.
Une centaine d'hommes, tous dévoués au Seigneur Noir attendaient de prendre position sous le regard approbateur de la milice locale.

Les troupes Velsharoonites se retirent en bon ordre