Il y a de cela 5000 Ans ... peut être plus .... Jerzil Rev'Tel'Arunn "Blanchécume" quittait une citée elfique dont le nom fut oublié pour prendre la mer ... ainsi commence le cycle des serviteurs de l'Hydre, ici au milieu des océans. Alors que Jerzil et son équipage font route vers les mers chaudes du Sud lointain, se dresse devant eux la grande passe de Mir'narass'n, éternelle et impitoyable. Et c'est là, selon la légende, au centre du dédale piérreux que le prince elfique affronta la grande Hydre de Mir'nar, la reine aux neuf têtes ... la fille bannie d'Istishia l'imprévisible. La faveur du seigneur des mers fut en ce jour accordée au mortel ... et il reçu des eaux bouillonantes la lame bénie ... l'épée de l'Hydra, "la lame qui scelle le destin des flots". La légende raconte que depuis ... l'équipage elfique se fit appeler corsaire ... et que les pirates ne connurent plus de repos ; la légende raconte aussi que Jerzil devint le "danseur de guerre des mers déchainées", et qu'il alla fonder foyer en Eauprofonde ... peut être même est-ce ici que la légende laisse place au récit historique ....
Eauprofonde est si belle le matin ... en passant dans les rues du quartier du port on aperçoit l'école de Blanchécume, on y forme les meilleurs maîtres d'armes du royaume ... des danseurs de guerre comme ils disent. Un peu plus loin les voiles bleu sombre des bateaux corsaires se gonflent sous la brise ... dans quelques heures l'élite des danseurs de guerre prendra la mer et ira patrouiller au large de la côte pour affronter les pirates qui rodent a l'affut des gallions marchands. Déja on entend le cliquetis des armes résonner dans le hall de l'école, l'entrainement matinal a commencé et Aaril Rev'Tel'Arunn "Blanchécume" beugle des directives à ses élèves. Le plus prometteur est peut être bien Ydruzil ... le fils du maître d'arme ... qui du haut de ses 50 ans égale presque les vétérans tant ses mouvements sont fluides et rapides. Il ne fait aucun doute que le petit sera la digne relève de son père et fera comme tout ses ancêtres la fierté des armées, et de la marine de la région. Mais les rouages du destin sont bien trop impénétrables ...
Aaril est mandé par le conseil de la cité ... il a pour ordre de descendre avec ses hommes en Montprofond, sous les rues animées ... Les rumeurs circulent si vite, et déja le peuple parle de la menace venue d'Ombreterre, de l'Ost drow, il faut absolument éviter une panique générale ... C'est donc vers les sous-terrains que se dirigent les danseurs de combat ce matin-là. C'est la première fois qu'Ydruzil part au combat avec les autres ... et ce n'est pas sans fierté qu'il passe le perron de l'école, toisé par la foule qui regarde passer les armures scintillantes. Les légions de bandits et de malandrins tombent sous les lames expertes des danseurs de guerre, Montprofond n'est bientôt plus qu'un amas de galeries désertes ... les tunnels s'enfoncent toujours plus profond dans les entrailles de la terre, ni la peur ni le sang ne viennent entacher la volonté des hommes d'Aaril.
Les plaines souterraines d'Arad Nern ... le champ de bataille ... l'avant garde drow est venue à la rencontre des danseurs de guerre. Les elfes noirs sont presque deux fois plus nombreux que les fils des eaux tourbillonantes, et les combats sont plus apres et rudes que jamais. Ydruzil brille ... son épée batarde virevolte et imbibe le sol de sang noir ... les cadavres de drows s'entassent sous les pieds du jeune elfe. L'adolescent se dirige d'un pas ferme vers la matronne de bas rang qui commande à l'avant garde, jettant au sol les adversaires qui se dressent devant lui. Brandissant sa lame vers l'esclave de la velue , il la provoque dans un duel sur l'honneur. Plus loin, Aaril hurle à son fils de reculer mais celui n'entend déja plus rien, Ydruzil se met en garde face à la femme d'ébène, les dents sérrées. Le fracas des lames , la chair découpée, tout est si rapide que l'espace d'un instant drows et danseurs s'arrêtent de combattre pour regarder le duel : les coups échangés par les deux adversaires sont d'une violence infinie. Les hurlements couvrent l'incantation de la drow qui parre une attaque d'estoc, Ydruzil sent le vent de magie s'engoufrer dans ses membres , puis cette étrange impression de n'être qu'un simple spectateur dans son propre corps .... Les engrenages du destin éclatent et tout change ...
Le lendemain matin, au réveil, Ydruzil a si mal à la tête qu'il a peur qu'elle n'éclate. Le coup d'épée que la matronne lui a donné sous l'oeil laissera une cicatrice douloureuse. Au pied de sa couchette repose l'épée de l'Hydra, la lame de son père, et aux pieds des autres soldats reposent les cadavres d'Aaril et de sa garde d'élite.
"Ils ont été assassinés pendant la nuit", "il y a un traitre parmi nous!", "qu'allons nous faire!?" ... autant de phrases qui torturent l'âme du jeune elfe lorsqu'il comprend que le sang sur Hydra n'est autre que celui de son père. Le sort de domination de la matronne aura été plus efficace que jamais, voilà donc pourquoi il est encore en vie. Sans chef pour les commander et leur redonner courage, les danseurs de l'écume sont écrasés par la vague drow qui s'abat sur le campement quelques heures plus tard. A moitié mort, Ydruzil s'enfuit, les yeux embués de larmes et de sang ... La garde apercevra pour la dernière fois le guerrier déchu qui passe en courant les portes Nord de la ville ...
Bientôt cent ans ont passées, l'école de Blanchécume n'est plus qu'une ruine grisatre qui fait office de remise pour les dockers. Sur la place de Luskan, un elfe est assis en train de mendier. Dans son dos, un fourreau nacré dans lequel repose le présent d'Istishia. La honte, la solitude et la douleur se lisent dans ses traits tirés ... sans pour autant altérer la beauté de son visage. La cicatrice sous son oeil n'est plus qu'une fine ligne horyzontale, la cicatrice dans son coeur est une plaie béante et suintante. Trouver le courage de lever à nouveau l'épée des flots de l'hydre, recouvrer une foi perdue en un combat juste, faire que ses yeux aveugles revoient un jour la lumière du soleil. Ses yeux d'un bleu abyssal brulés par le froid d'une autre défaite, le remord qui lui ronge l'âme comme une pluie acide, autant de chose qui mettent Ydruzil a genou comme un mendiant. Un rictus dur sur ses lèvres, Ydruzil se relève en écartant une mèche de cheveux pâles ... le temps est au renouveau ... une nouvelle aube se lève ....