Réflexions
J'ai du mal à faire le tris dans mes souvenirs. J'étais une orpheline, dans un orphelinat dur et strict, ou la discipline était de rigueur. Les maîtres assassins ont un don pour trouver un ou une apprentie ayant un certain potentiel. Ce fut mon cas. Mes jours à l'orphelinat ne sont plus que de vagues souvenirs enfouis dans ma mémoire.
Toute la suite ne fut que formation. Ce qui caractérise les individus sont les émotions, les sentiments. Ce qui caractérise un excellent assassin est l'absence de ses sentiments. La pitié n'est que faiblesse, la solidarité n'est que faiblesse, l'amitié et l'amour sont les pires des faiblesses. La haine et la colère peuvent être des atouts, mais cela représente un obstacle. Quelqu'un qui se bat sous l'influence de tels sentiments risque de faire des erreurs fatales. Haïr son ennemi ne peut que susciter l'empressement ; l'empressement est source d'erreurs.
Nul assassin ne doit se montrer orgueilleux. Il faut apprendre à respecter tous ses adversaires et ne jamais partir gagnant : que ce soit un misérable mendiant ou un officier, l'un et l'autre sont capables de tenir une arme. L'apparente faiblesse du mendiant est une sorte d'arme, qu'il peut utiliser pour faire baisser la garde de ses opposants. En revanche, l'orgueil et la confiance en soit de l'officier pourraient être des faiblesses qui lui coûteront la vie.
Se spécialiser dans la maîtrise d'une arme ou plusieurs armes, comme je le fis pour les Kukris et l'arbalète légère n'est pas un mal. Mais négliger les autres armes est un défaut. Il faut être capable de manier toutes les armes : si jamais un assassin devait prendre la place d'un garde de Luskan, il aurait tout intérêt à savoir porter l'armure et manier l'hallebarde. De plus, je devrais souvent mener à bien une mission sans mes kukris ou mon arbalète. Je dois être capable d'utiliser toute arme que je trouve avec un minimum d'efficacité.
Ainsi, j'ai passée de nombreuses années à voir défiler de nombreuses armes différentes entre mes mains, à apprendre à les manier avec ou sans bouclier, avec ou sans armure. C'est durant ses entraînements que j'ai due exécuter certains faibles, certains de mes camarades d'orphelinat.
Je n'ai pas connue d'enfance avec d'autres personnes de mon âge. Je respecte énormément mon ancien maître, et certains liens se sont créés entre nous : c'est probablement la raison pour laquelle j'ai du partir aussi loin. L'amitié n'est que faiblesse. Je ne reverrais jamais mon maître et c'est probablement mieux ainsi. Où alors, je serais celle qui réalisera son rêve : mourir de la main de l'un de ses élèves, dans un assassinat surpassant tous ceux qu'il aura put commettre durant sa longue vie.
Durant mon adolescence, j'ai due réapprendre ce que j'avais finie par oublier totalement : les sentiments, et leur nature. Je dois être capable d'exprimer des émotions, d'en ressentir pour me plonger dans un rôle. Lorsque je joue un personnage, je dois devenir se personnage. Je dois être capable de ressentir la peur comme ce personnage, la colère comme ce personnage, la joie comme ce personnage. Ainsi, un jour, je deviendrais peut être capable de bluffer les lanceurs de sorts eux mêmes : un sort détectant si une personne à de bonnes ou mauvaises intentions est inutile si cette personne est profondément ancrée dans son rôle, au point que que son "véritable visage" ne soit plus que l'ombre de lui même. La véritable identité de l'assassin doit être un souvenir, une identité cachée derrière un mur impénétrable.
*la jeune femme prit soin de relire calmement ses notes avant de les lancer dans le foyer de la cheminée et de murmurer l'une des paroles de son mentor, pour elle même*Adam, souvient toi que nulle preuve de ta véritable nature, physique ou mentale, ne doit subsister.