Année 1379, Mois d'Eleasias - Abandon
Un enfant pleurait. Noémie, une brave femme travaillant dans l'orphelinat ouvrit la porte. Elle ne fut guère étonnée de constater un enfant pleurant dans un panier, à ses pieds.
Les temps étaient durs, dans les Vaux... Encore plus particulièrement à Château Zhentil. Noémie porta le panier à la directrice de l'établissement, une certaine "madame Glondorin".
La femme, âgée de la quarantaine, avisa l'enfant, n'adressant même pas un salut à Noémie.
-D'où vient t'elle?! Aboya la directrice.
-Abandonnée, elle était à l'entrée. Répondit Noémie, intimidée.
La directrice sortir l'enfant du panier, la posa sur la table, fouilla le panier et les couvertures... Elle y trouva quelques pièces de cuivre et une lettre. Empochant le magot, elle lut brièvement la lettre.
-Natacha? Quel nom stupide. Elle s'appellera Lucie!
-Mais... Ce ne sont pas les volont... Osa protester Noémie.
-Il n'y a pas de mais! Coupa brutalement la directrice en la giflant. Elle enferma l'argent dans son tiroir et examina l'enfant. Cette petite semblait en excellente santé, dormant désormais paisiblement.
-Elle n'a pas l'air trop chétive... Elle pourra probablement survivre. Emmène moi cela et trouve une nourrice chez les pauvres!
La jeune femme s'exécuta, se pressant d'exécuter ses ordres. La cruelle directrice de cet orphelinat tenait à garder des enfants en bonne santé... Si cette enfant n'avait pas eue la chance d'être en bonne santé ou que ses parents n'avaient pas laissés une partie de leur fort probable maigre fortune pour son éducation... Elle aurait été forcée de l'abandonner dans la rue.
L'orphelinat du Gantelet Noir n'accueillait pas les faibles.
Année 1386 - Éducation
Lucie avait sept ans. Une gamine adorable, aux beaux cheveux noirs, aux yeux gris-bleu magnifiques, une adorable bouille, respirant la bonne santé... Mais chutant bêtement dans les escaliers en ce prenant les pieds l'un dans l'autre, manquant de renverser l'une des instructrices de l'orphelinat.
-Encore cette maladresse! Vociféra son instructrice.
Prenant le martinet à sa ceinture, elle en fit siffler les lanières de cuir, frappant la gamine qui avait tout juste eue le temps de ce redresser. Elle reçue le coup en plein visage.
Madame Glondorine assistât à cette scène.
-Imbécile! Aboyât-elle à son employée, lui prenant le martinet des mains. Avec elle, ce n'est pas ainsi qu'il faut la punir! Se tournant vers Lucie, elle ajouta : Montre moi ton dos!
Résignée et apeurée, l'enfant obéit.
-Récite moi le dogme du Seigneur Noir maintenant.
-Ne... Ne servez nul autre que Baine. raignez-le toujours et assurez-vous que les autres le craignent encore plus. La Main noire parvient toujours à frapper ceux qui cherche à s'opposer à elle. Affrontez Baine et vous trouver...
Elle fut soudain interrompue par une douleur atroce dans le dos. Grimaçant de douleur, elle tenta de poursuivre :
-Défiez Baine et vous trouverez la mort - ou par la mort prouvez votre loyauté, car c'est parfois ce qu'il peut exiger de nous.
Elle fut à nouveau interrompue par le claquement du martinet et une nouvelle douleur dans son dos. Elle mit quelques secondes à trouver son erreur.
-Ce n'est pas "nous", mais "vous"! Tu devrais déjà le savoir par cœur depuis deux ans! Comme entraînement à l'écriture, tu le copieras cents fois à la place du repas de midi! Elle se tourna vers l'instructrice : et toi, que je ne te vois plus frapper cette enfant au visage! Plus tard, elle servira dans le temple du Seigneur Noir... La fierté de cet orphelinat est de fournir de nombreux serviteurs pour la Main Noire. Nous sommes réputés pour leur fournir des recrues bien éduquées et solides. Lucie sera probablement une très belle femme plus tard... La beauté est toujours un plus et je tiens à ce que les enfants sortant d'ici aient un avenir prometteur.
Retournant vers son bureau, elle ajouta plus bas :
-Pour la gloire du Seigneur Noir...
Année 1393, Mois de Ches - Le temple du Seigneur Noir
Lucie s'était inquiété pour rien. Elle avait quitté l'orphelinat le matin même, avec tous les enfants de son âge. Arrivés au Temple de Baine, ils assistèrent à une cérémonie d'usage puis furent séparés. Sa mission était relativement simple : nettoyer, nettoyer et nettoyer. Perdue dans ses pensées, elle renversa un vase métallique par inadvertance, qui résonna dans le temple. Un gantelet d'Obsidienne la saisit par l'épaule avant même qu'elle n'ait eut le temps de le ramasser... La simple expression du prêtre suffit à la glacer d'effroi. Elle ne pouvait plus bouger, ne sentait plus ses muscles... Le visage du prêtre se fendit en sourire : comme tous les enfants de Glondorine, celle ci était dévorée par la peur... Tyrannisée depuis la naissance, sa volonté réduite presque à néant : une créature n'étant bonne qu'à obéir. Il la relâcha. La directrice l'avait mis en garde : la maladresse de cette gamine là ne la favorisait guère pour les activités ménagères.
-Pauvre être insignifiant, tu n'es même pas capable de nettoyer correctement?! Aboya t-il. Si c'est comme cela, tu feras un travail de scribe. Ce soir, tu auras un livre, de l'encre et des feuilles... Tu auras intérêt à t'appliquer, ses copies seront destinés aux nouveaux membres du clergé...
Quand le prêtre ce fut éloigné et que Lucie eut retrouvée ses sens, elle chercha le vase du regard. Il était sur son piédestal. Pourtant, elle était sûre et certaine que le prêtre l'avait laissé au sol... Étrange.
Année 1395, Mois d'Eleasias - Sacrement
Darchal de Fultorim avançait d'un pas lent vers l'autel et le trône du Seigneur Noir. C'était un grand jour pour le jeune homme : après tant d'épreuves, il était enfin ordonné prêtre!
Vers la fin de la cérémonie, une belle jeune femme aux yeux gris et à la chevelure de jais, parue d'une élégante robe de cérémonie noire fut chargée de remettre le livre contenant les prétextes de son dogme au haut prêtre qui lui offrit, après une longue prière au Seigneur Noir et une bénédiction de l'ouvrage.
Après la cérémonie, le Haut Prêtre vint le voir.
-Bienvenue. Ton apprentissage va enfin pouvoir commencer. Mais pas ici... Tu iras au nord ouest, au Val Bise, dans une cité nommée Targos. L'impercepteur Klosk ou l'un des prêtres de cette cité seront chargés de ta formation. Tu partiras avec un groupe de soldats envoyé en renfort là bas. Ce sera une formation dure et difficile, mais nous pensons que les conditions y sont idéales pour les nouveaux membres de la Main Noire. Tu as le droit de prendre quelques soldats et serviteurs sous tes ordres.
Le jeune prêtre le remercia, puis son supérieur commença à repartir. Avant qu'il n'ait franchi le seuil de la porte Darchal demanda :
-Puis je connaître le nom de cette jeune femme, qui vous à porté le livre à la cérémonie? Et qui sert-elle en dehors de nôtre seigneur?
Pour la première fois depuis qu'il l'avait rencontré, le haut prêtre s'autorisa un petit rire.
-Tu as l'œil, mon garçon... Elle travaille pour moi, mais peut être que le nord sera aussi instructif pour elle que pour toi. Je te l'offre, elle fera peut être une servante à ton goût...
Année 1395, Mois d'Uktar - Morsure
La brise était glaciale. Mirabar loin derrière eux depuis quelques jours déjà, le convoi avançait à son rythme. Lucie se trouvait dans l'un des chariots, la seule femme du groupe. Les dix autres représentant du convois étant des hommes d'arme, menés par sire de Fultorim.
Ils avaient perdu en tout quinze hommes depuis le début de leur voyage : attaques de bandits, déserteurs, animaux sauvages... Voyager dans des contrées aussi dangereuses n'est pas sans risques.
Ils s'arrêtèrent pour bivouaquer, la nuit commençant à tomber. Un hurlement de loup ce fit entendre, non loin. Les membres de groupe scrutèrent la forêt toute proche, l'air inquiets...
-Allons! Ne me dites pas que quelques animaux vous effraient! Railla Darchal en s'approchant de la forêt.
Il n'eut pas le temps de se retourner vers ses hommes qu'un énorme loup lui sautait dessus en le mordant à la gorge. Deux soldats assez courageux tentèrent d'abattre le monstre : sans résultat! Leurs lances ne parvinrent pas à percer son cuir. Quelques instants plus tard, ils gisaient au sol, blessés ou morts, peu importe!
Lucie et les autres prirent leur jambe à leur coup. La jeune femme sentit soudain une imposante masse s'abattre sur elle, la clouant au sol tout en lui mordant profondément l'épaule.
Elle s'éveilla un peu plus tard, l'épaule douloureuse... Un fourmillement lui parcourant tout le corps.
-Cela va aller, Lucie?
Il s'agissait de deux des Zhentilars qui constituaient la troupe.
-Je... Je crois. Répondit t-elle, constatant que son épaule était couverte de bandages.
-Il ne reste que nous trois, le loup est partir chasser deux autres plus loin... Henri à retrouvé un poney qui avait fuit, on va l'atteler à la charrette et continuer seuls. Il vaut mieux ne pas arriver les mains vides à Targos! Et aussi, on pourra te charger dessus.
Il s'exécuta puis porta la jeune femme dans le chariot. Par prudence, ils s'éloignèrent du bivouac, marchant pendant deux heures, puis firent halte pour la nuit. Le voyage reprenait, à trois... Peut être plus vivant et plus agréable qu'en présence de Darchal.
Plusieurs jours plus tard, Lucie sentit une terrible douleur au niveau de son épaule blessée. Pourtant, la blessure avait un peu cicatrisé, depuis. La douleur s'intensifia... Son cœur battait à tout rompre, elle avait de la fièvre. Les deux hommes ne pouvaient qu'espérer tenter de la soulager, croyant qu'il s'agissait d'une hémorragie ou quelque chose du genre : aucun des trois n'était médecin. Lucie ce doutait qu'elle allait probablement mourir. Au fond, sa vie n'avait jamais eue aucun sens... Elle acceptait presque la mort avec joie. Elle murmura une prière au Seigneur Noir, espérant que ses royaumes seraient moins cruels que ce monde.
Ce faisant, elle regardait le ciel nocturne, les nuages poussés par le vent... Pour découvrir la pleine lune. Un battement de son cœur. Un seul, un battement très fort, aussi fort qu'elle n'en avait jamais connue, déchirant la poitrine.
Ce doit être ainsi, la dernière pulsation de mon cœur, pensa t-elle... Puis ce fut le noir.
Année 1395, Mois d'Uktar - Seconde chance
Lucie s'éveilla dans l'herbe... Elle avait froid. Sa robe était en haillons. Portant une main à son épaule, elle ne sentit rien : la blessure était déjà guérie. Sa surprise passée, elle regarda autours d'elle.
Le paysage avait un peu changé... La jeune femme n'était plus près du camp. Elle se leva, des gouttes de sang tombant. En cherchant la nature, elle se rendit compte que son corps en était partiellement couvert... Elle en avait même dans la bouche et sur le contour des lèvres.
Grimaçant de dégout, elle entreprit de faire quelque pas. Elle allait bien mieux qu'elle ne l'imaginait. Continuant sur la piste, elle poussa un cri d'effroi : les deux Zhentilars gisaient là, ayant été dévorés par une quelconque créature hideuse. A cette vue, elle fut prise de nausées et vomit.
La jeune femme aurait du être surprise au vu de la quantité de sang qu'elle vomissait... Mais ce ne fut rien comparé au doigt humain qui lui resta quelques instants en travers la gorge, avant qu'elle ne parvienne à le régurgiter.
Horrifiée, Lucie osa à peine vérifier sur les cadavres : l'un d'entre eux s'était fait mordre à la main, il lui manquait plusieurs doigts. Bien obligée malgré elle de constater ce qu'elle était devenue, elle se rappela soudain de tout ce qu'il s'était passé durant la nuit précédente. Elle s'effondra à moitié sur le choc, et resta ainsi des heures et des heures.
Des loups vinrent profiter des restes de ses compagnons puis, tranquillement, décidèrent de s'allonger à ses cotés, amicaux, comme s'ils tendaient de la réconforter dans sa détresse.
Lui vint alors l'idée d'essayer de leur demander ou était le chariot. A force d'essayer de se faire comprendre, elle parvint à leur communiquer ses pensées. Elle se leva et ils la guidèrent. Après une heure de marche le groupe assez curieux retrouva le camp de la veille.
Elle récupéra ce qu'elle put dans le camp saccagé devant continuer le voyage seule ou avec ses nouveaux amis à quatre pattes. Elle ne devrait point voir sa maladie comme une malédiction mais plutôt une bénédiction... Dans sa condition actuelle, nul ne pourrait la soigner de toute façon : il serait trop tard.
Elle devait voir ceci comme une grâce de son dieu. Pourquoi était t-elle la seule survivante? Pourquoi Darchal lui même était mort mais pas elle, son humble servante?
Elle avait enfin une occasion de se démarquer, de devenir plus forte qu'elle ne l'était déjà... Se tournant vers ce qu'elle pensait être le nord elle ajouta :
-Targos, me voici.