Tombée du jour, dans une ruelle sombre et crasseuse des bas quartiers d’EauProfonde. Une femme ronde comme un ballon allongée à même le sol, hurle de douleur. Son visage tordu par la souffrance, elle insulte de tous les noms d’oiseaux un pauvre fermier passant par là, qui essaye de l’aider.
« Alleeez yyy pousseeeeeez !!! »
« NOOOON je ne veux pas de cette chose, je sais pas quoi en faire, laissez le làààààà !!! ARGN que ça fait mal !»
« faite’pas l’idiote m’dame poussez, z’avez pas le choix. »
« Allez on r’prend, j’en ai vu d’aut’ avec mes vaches ! pooooussseeeeez !!! »
Quelques instants plus tard, l’enfant né, sans même un pleur.
Le vieux fermier s’occupe de la couvrir, de couper le cordon, et vérifie que tout va bien pour le nouveau né.
« oh beh ça alors… r’gardez m’dame, z’avez déjà vu des yeux pareils ? »
Lorsqu’il redresse la tête, il aperçoit la jeune mère, plusieurs dizaines de mètres plus loin, fuyant tant bien que mal.
« HEEYYY M’DAAAAM !! POUVEZ PAS PARTIR COMME CA ! QU’EST-CE QU’J’VAIS EN FAIRE DE… »
Il s’interrompt et observe l’enfant avec attention.
Une ravissante petite fille, qui ne pleure toujours pas. Une abondante chevelure ébène est déjà présente sur son crâne. Et de grands yeux, d’un rouge sombre.
« Téh… une chieuse en plus, pas besoin de ça à la ferme moi. Et ces yeux… Rouges comme le sang, j’suis sur qu’t’es maudit ! »
C’est ainsi qu’il traverse la ville en direction du dispensaire, l’enfant à bout de bras, de peur d’être contaminé par la malédiction.
Alors qu’il va pour entrer dans le dispensaire, un homme d'une quarantaine d'année, richement et sombrement vétu surgi de l’ombre, s’adressant au vieux fermier.
« Bonsoir mon brave… que portes tu donc ainsi à bout de bras ? »
« Cré non ! c’t’une pisseuse ! j’viens d’y trouver sa mère l’abandonnant . Pis l’pire c’est qu’elle est marquée d’une malédiction ! r’gardez un peu ses yeux ! »
L’homme sombre et imposant approche afin d’examiner l’enfant à son tour. Il l’observe longuement, retirant le tissu qui la couvre. Et se met à hocher la tête, d’un mouvement continu et lent, alors qu’une sorte de sourire malsain se dessine sur ses lèvres.
« Parfait, parfait… je m’en occupe mon brave. Prend donc ceci pour ta peine, je suis sur que tu sauras en faire bon usage. »
Il tend une main fermée qu’il ouvre sous les yeux du fermier. Cinq pièces d’or s’y trouvant.
Tout émerveillé, le vieil homme ne se fait pas prier pour procéder à l’échange.
Quatorze ans plus tard...
« Je suis de couleur verte, ma dose mortelle est de 0.1 gramme, je suis ? »
« heuuu… »
Une ravissante jeune fille aux cheveux de jais hésite à répondre l’espace d’un instant, son regard vermeil semble craintif.
« Cy…Cyanure ? »
« ARSENIC !! Cléophée, ARSENIC ! » Lui rétorque l’homme face à elle en lui infligeant une douloureuse claque.
« Et pour ton information jeune fille, L'effet du cyanure procure une perte de conscience en une minute, parfois même dix secondes, ça dépend de la résistance du corps et de la quantité d'aliments présents dans l'estomac. La personne peut mourir en deux heures s'il n'y a pas d'intervention de soigneurs. Durant cette période, il peut y avoir des convulsions. En général, la mort intervient par arrêt du cœur. Alors fait en sorte de le retenir si tu ne veux pas que je t’en fasse ingérer ! »
« Bien père... » Le jeune fille se frotte lentement la joue alors qu’elle observe l’homme de son regard couleur sang.
« Cesse de me regarder ainsi, c’est un appel à la correction. »
Il s’avance tout près d’elle et la prend tendrement dans ses bras.
« J’ai besoin de toi ma chérie… Tu es mon seul espoir, j’ai passé tant d’année à te former à cela. Quelques années de plus et tu seras prête. Tu auras les connaissances nécessaires, et les formes parfaites pour tout cela. » Dit il, glissant sa main sur le corps de Cléophée, avant de la retirer à contre cœur, comme s’y obligeant et reniant ses instincts.
Cléophée passait le plus clair de son temps à étudier toute sorte de chose. Certaines lui été transmises par un percepteur, telles que les matières fondamentales, l’écriture, la géographie, la théologie…
Religions sur lesquelles elle forgeait sa propre opinion. Elle trouvait que se réduire à ne prier qu'une seule divinité baissait grandement les opportunités.
En effet, elle tenait autant à sa beauté qu'à son savoir. Pourquoi devrait elle choisir un Dieu ou une déeesse, les prier selon ce dont elle avait besoin etait pour elle la meilleure à faire.
L’art des bonnes manières lui était transmit par une vieille dame tout à fait désagréable, qui lui infligeait un coup de baguette sur le postérieur à chaque faux pas.
Son « père » se chargeait de toute la partie sur les poisons. Il s'y connaissait vraiment bien, mais il refusa toujours de dire à cléophée d'où lui venait ses connaissances.
Un maniement des poisons qu'elle mit en rapport avec la déesse des poison qu'elle priait chaque jour à fin d'avoir la science de ces substances.
Et enfin, un jeune barde lui enseignait quand à lui les mythes et légendes, les épopées des plus grands hérauts, le chant et la harpe depuis quelques années déjà. C’était son tout premier amour, elle l’aimait secrètement depuis toujours.
Cela faisait quelques mois qu’il lui arrivait de s’échapper certaines nuits, pour rejoindre son aimé.
Dorian était un bel homme à la peau basanée, d’une vingtaine d’années. Il lui arrivait souvent de plonger ses grands yeux verts dans le regard de sang de la jeune Cléophée, semblant s’y perdre un long moment. Il répétait souvent à quel point il était fière d’elle.
Il avait parcouru une bonne partie du faerun, fut un temps où ils suivaient les grands aventuriers pour chanter et transcrire leurs épopées. Mais il était dans une de ses périodes de pause, et avait décidé d’enseigner son Grand Art.
Ils consacraient donc tous deux, la totalité de ce temps volé, à l’art, au théâtre et à la magie car...
Elle sentait en elle une puissance grandissante de jour en jour lorsqu’elle chantait ou jouait.
Et seul son tendre Dorian la comprenait, il faisait même mieux que cela, il l’accompagnait dans ses découvertes. Sans jamais la brusquer, la laissant aller à son rythme.
C’est ainsi qu’ils passèrent de nombreuses nuits à parler, encore et encore…
Ils étaient si passionnés de leur Art, s’enivrants de mots, de composition et d’éveil à la magie que jamais le moindre contact physique n'eu lieu. Ils s'unissaient autrement, à leur façon.
Au fur et à mesure de leurs discussions, Cléophée comprit qu’elle était capable de façonner la Toile grâce à sa voix si pure, cristalline et poignante.
Ainsi, alors qu’elle avait apprit de son percepteur que les mages tissaient la Toile grâce à des schémas et des composants magique, elle, elle apprenait à la tisser de part ses mélodies et ses notes.
Dorian et Cléophée étaient des plus complices, et s’amusaient souvent à se chamailler, ou se chatouiller avec turbulence.
*sssspppooock !!*
« Hummphhh !! » s’exclame le jeune homme venant tout juste de se heurter au coin de la table basse.
«Tout va bien ?!» Demande la belle jeune fille, hilare.
Alors qu'il ne répond pas, semblant sonné, elle remarque un filet de sang couler sur la joue de Dorian.
Reprenant tout son sérieux et arborant une mine inquiète elle s’approche et vient appliquer sa douce main sur la plaie, alors qu’elle se met à murmurer une exquise mélodie.
Son seul souhait en cet instant étant de retirer toute douleur à son si cher Dorian.
Elle se met à jouer avec les vibrations de l’air entre ses lèvres, augmentant l’intensité de son chant qui s’élève alors de façon si apaisante, remplissant la mélodie de tout son être, de son âme et de son souhait d’ôter la douleur à son aimé.
Et c’est alors une belle lueur bleue qui apparaît entre ses doigts, tandis que le filet de sang cesse de couler et que la plaie se referme peu à peu.
C’est ainsi que Cléophée utilisa pour la première fois la toile et lança son premier sort de soin.
Il lui fallu encore énormément d’entraînement pour parvenir à en lancer d’autre.
Mais elle y parvint petit à petit, jusqu’à réussir même avec un autre instrument que sa voix.
De ses doigts délicats qu’elle glissait sur les cordes de sa harpe, elle parvenait à manier la Toile, créant alors toute sorte de sort comme une lumière intense tout autour d’elle, ou encore des sorts de protection…
Et alors qu’elle devenait de plus en plus douée dans son apprentissage, elle savait qu’elle ne pouvait en dire mot à son « père » qui pensait que la magie était pour les pleutres, ayant peur de se salir les mains.[/color]
Le cruel destin fit qu’il découvrit ce qu’il se tissait entre Cléophée et le jeune barde. Dorian décédait quelques semaines plus tard, de façon inexpliquée.
Cette tragédie ne fit que réconforter Cléophée dans son Art.
Pour elle, chacun de ses sorts, des ses chants ou de ses mélodies, rendaient hommage à son défunt aimé.
Elle se donnait corps et âme dans l’apprentissage de la Toile, y alliant son art. Bien qu’elle dû poursuivre son apprentissage des poisons et des bonnes manières.
Trois ans plus tard… « Joyeux anniversaire ma Douce »
Dit il en lui tendant un paquet imposant.
Elle l’ouvre, et y découvre un coffret de bois, à l’intérieur revêtu d’un sombre velours rouge où sont disposées plusieurs fioles minuscules, des aiguilles, du baume à lèvre, deux petites dagues acérées au manche d’or ainsi que plusieurs pendentifs et bagues diverses.
« Le jour est arrivé. Ce jour où je me sépare de ma fille pour la transformer en femme du monde. Qui éblouira tout EauProfonde tant par sa beauté que par son mystère… Ma merveilleuse espionne, mon œuvre. »
Elle reste silencieuse, alors quelle plonge son regard de sang dans les yeux noirs de l’homme, sans trop comprendre ce qu’il veut dire.
« Tu vas leur faire tourner la tête » reprend il alors, « ils se confiront à toi entre deux ébats, ils te chérirons et t’offrirons tout ce que tu désires. Et tu n’auras qu’à claquer des doigts pour te débarrasser d’eux en versant quelques gouttes dans leur boisson.
Et pour célébrer cette grande nouvelle, voici ta première cible… » Il pose alors sur la table un lourd dossier.
S’en suivit des cris, des pleurs… Cléophée, outrée par ce que son propre père lui demandait, refusait de s’y plier. Ce qui ne manqua pas de le faire entrer dans une colère noire. Emporté par son courroux, il lui hurla qu’il n’était pas son père, et de comment il l’avait eu.
Qu’il avait faillit perdre toutes ces années à cause de ce barde Dorian, qu’il avait bien fait de tuer… Il eu à peine le temps de dire ces quelques mots que Cléophée lui avait déjà planté une des aiguilles empoisonnées du coffret, à la base de la nuque…
« J’ai retenu la leçon… D’ici deux heures tu ne seras plus de ce monde. » Dit elle d’une voix tout à fait posée.
Elle resta à le regarder rendre son dernier souffle. Puis réunit ses affaires pour finalement quitter la demeure « familiale ».