*Bien avant que les prémices de l'aube viennent illuminer les ténèbres de cette nuit qui ne semblait point s'achever, une grande assemblée de fidèles se regroupa devant l'entrée du temple de Lathandre. La foule était nombreuse et très hétéroclite. Beaucoup de personnes de Padhiver : des artisans, des gens du peuple, des artistes mais aussi de riches familles du quartier de Lacnoir. Cette diversité culturelle et sociale ne prouvait qu'une seule chose, celle que le culte était très implanté à tous les degrés de la hiérarchie sociale. La Haute Prêtresse avait aussi lancé un appel aux fidèles de Port Lasth ; de nombreux fermiers ainsi que des pêcheurs étaient arrivés la veille afin de ne point louper l'évènement. Pour beaucoup c'était l'occasion de recevoir la bénédiction de la Haute Prêtresse du culte mais aussi de profiter pleinement de ce moment de réjouissance et de partage.
Au bout d'un petit moment, l'un des intendants sortit du temple ; celui-ci s'adressa calmement à la foule en signalant que chacun pouvait désormais prendre sa place à l'intérieur du sanctuaire. Le temple en lui-même avait été magnifiquement décoré. Bien que, d'ordinaire, celui-ci ne manquait pas de l'être ; en cette aube particulière, la nef s'était vu revêtir de nouveaux et précieux atours. De somptueuses parures dorées descendaient le long des colonnes. Des versets importants du dogme qui avaient été soigneusement gravés et ciselés à même la pierre des murs, puis minutieusement recouverts de dorure, semblaient étinceler d'une clarté presque aveuglante. Un choeur mixte avait été placé au fond du temple. Les voix de soprano et de contralto venaient se mélanger aux voix masculines dans une spirale d'harmonies et de contre harmonies d'un effet saisissant.
Valérie connaissait sa fonction du bout des doigts, elle ne comptait plus les cérémonies qu'elle avait déjà organisées et présidées, mais celle-ci était particulière, en ce sens que l'on revenait au fondement même du culte. C'était aussi pour elle l'occasion de rappeler à ses fidèles les principes fondamentaux du clergé. Tandis que les croyants prenaient place sur les nombreux bancs, et que ces derniers commençaient à entamer des chants et des prières collectives, Valérie s'entretenait avec une autre prêtresse du sanctuaire. Elle arborait sa mine calme et sérieuse, l'armure de la matriarche avait cédé la place à celle aux couleurs de l'ordre, et Valérie semblait tout à fait prête à commencer la cérémonie.
Une clameur s'étendait progressivement à l'intérieur du temple comme à l'extérieur, lorsque le cortège se présenta à l'entrée. Deux hommes, simplement vêtus d'une tunique aux couleurs du clergé et les pieds nus pénétrèrent dans le sanctuaire. Griffith et son frère suivis par les intendants du temple commencèrent à se diriger vers l'autel où la haute prêtresse devait débuter le rite d'ordination. La procession était accompagnée de cette clameur toujours aussi grandissante et saisissante.
Valérie débuta le rituel par une imposition des mains (geste symbolique visant à purifier l'âme et le corps). Elle alternait les prières en langage commun et en langage sacré, elle termina en énonçant la phrase : Te per orbem terrarum sancta confitétur Ecclesia. Illuminare his qui in ténébris et in umbra mortis sédent : ad dirigendos pédes nostros in viam pacis.puis elle leva les mains vers le ciel et incanta un sort.
La bénédiction individuelle s'enchaîna immédiatement. Une autre prêtresse du temple s'approcha de Valérie et lui tendit une fiole d'eau bénite. La Haute Prêtresse humidifia légèrement son doigt puis dessina un symbole sur le front de Griffith et sur celui de son frère. Elle ferma les yeux puis énonça une nouvelle prière. Les textes alternaient toujours en langage commun et sacré. Les fidèles répétaient certaines de ses phrases à la manière d'un écho au battement fixe et immuable. Elle incanta à nouveau plusieurs sorts, puis elle recula de quelques pas et s'adressa à l'assemblée entière.
Son oraison fut longue. D'une voix parfaitement claire et sereine elle réexposa à ses croyants tous les principes fondamentaux du clergé. Tout y passa, des fondements essentiels du culte au message de lutte visant à s'opposer fermement à tous les clergés liés à la mort, au chaos et à la destruction. Elle termina son sermon par cette prière :
Hunc caelum, terra, hunc mare
Hunc omne quod in eist est
Auctorem adventus tui
Laudat exsultans cantico
Puis elle bénit l'assemblée de fidèles.
Une courte période de chants précéda alors le moment tant attendu de l'ordination. Une prêtresse du temple s'approcha doucement vers Valérie et lui remit le livre contenant le dogme du clergé. Elle commença l'ordination en énonçant les phrases sacrées à la fin desquelles le jeune prêtre devait répondre. Elle conclut cet acte solennel par les phrases suivantes :
Accende lumem sensibus
Infunde amorem cordibus
Infirma nostri corporis
virtute firmans perpeti
Puis elle accorda sa bénédiction et termina le sacrement du nouveau prêtre.*