Le Carnaval des Ombres

“Circulez, y'a rien a voir!”

C'était l'aube, et le quartier marchand était dans une effervescence peu coutumière pour l'endroit : en plus des quelques marchands qui venaient s'installer pour une nouvelle et dure journée de labeur, un petit nombre de gardes avait encadré une demeure proche de celle du joaillier. L'un ou l'autre badaud curieux s'approchait parfois, pour tenter un oeil à l'intérieur. Parlons en, d'ailleurs, de l'intérieur! Deux golems s'agitaient dans le grand hall de la maison, tandis que les gardes de la cité discutent avec le propriétaire des lieux, visiblement totalement hors de ses gonds.

Et très vite, la rumeur se répand ... Leothil Trannyth, peintre de son état, a été volé! Plusieurs de ses oeuvres ont disparus, tandis que lui et ses gardes ont été assomés par un ennemi invisible. Aucuns morts n'est a déplorer, heureusement ... Des indices? Bien sûr, qu'il y en a! Un seul.

Un masque de théâtre.

Un masque souriant, fier de son méfait, laissé sur les lieux du crime.

[HRP : désolé de ne pas avoir posté avant, un oubli]

Luskan, taverne des roublards. La nuit est déjà tombée depuis longtemps sur les quais du port, noyés dans la brume, mais malgré l'heure tardive la taverne est pleine de vie : on chante, on boit et on parle au milieu de la fumée de la salle commune. Dans une des pièces du fond, un duo de femmes en noir discutent avec un type encapuchonné ...

- Vous savez voler, soit ... Mais est-ce que vous seriez prêtes à mener à bien un contrat plus ... Sérieux? ...
- Ca dépend de ce que tu veux, zig. Mais beaucoup d'choses sont possibles.
- Une tête. Je veux une tête.

Une des femmes masquées regarda sa collègue, puis opina.

- J'suis une cambrioleuse, pas un assassin. Mais l'Organisation regroupe ... Plusieurs spécialistes. Dis nous c'qu'tu veux.



Plusieurs jours plus tard, et à des kilomètres de là, à Leilon, un homme a disparut. Il était prêtre de Lathandre, et nul n'a eu de nouvelles depuis quelques temps ... Peut-être a-t-il été la cible de bandits locaux, ou a-t-il été rappelé ailleurs ...

Peut-être ...

Le vieil Od était un sympathique mendiant, aux dents aussi rares que ses cheveux. Il avait pour – mauvaise – habitude de traîner la nuit sur le port, à la recherche de quoi assurer sa subsistance pour le lendemain. Alors qu'il était en train d'aviser une caisse sans doute tombée d'une cariole transportant des marchandises vers le quartier marchand, son oeil fut attiré par une ombre furtive dans une ruelle attenante. Il s'enfonça dans l'impasse, et trouva, dans un coin, un magnifique masque au sourire sournois. Un sourire malveillant, fier de lui ... Le sourire de quelqu'un qui prépare un mauvais coup. Prenant le masque, il vit, à côté, un petit saphir négligemment abandonné là. Priant Mask, protecteur des gens de la rue, il le ramassa et partit, tandis qu'un orage éclatait.

Si le vieil Od avait sût lire, il aurait sans doute remarqué la feuille accrochée au mur, au dessus du masque abandonné. La feuille dont l'encre commençait déjà à s'effacer sous l'effet de la pluie.

“Loué soit le Seigneur des Ombres, car le Carnaval a une nouvelle Reine.”

Cela faisait maintenant quelques temps que deux des Masques avaient fait sécession, tentant de s'emparer de biens appartenant à l'Organisation. En vain. Les Seigneurs avaient finalement réussit à capturer les traîtres et à les ramener jusqu'au repaire, les laissant croupir en attente de leur jugement. Car même au sein des ombres, il y a des lois à ne pas enfreindre. Et la voie de la trahison ne peut mener qu'à une seule issue. Tout les Masques le savaient, tout les Masques l'acceptaient ...

Le lendemain des exécutions, dans le coeur du quartier portuaire de la Cité des Voiles, au sein des ruelles les plus mal famées, deux mannequins purent être trouvés, suspendus à un toit. Chacun avait le visage peint en jaune, couleur de la trahison, et un masque brisé en deux dans le sens de la hauteur suspendu au visage.

Un masque noir comme la nuit, la bouche grande ouverte pour l'un ; un masque aux paupières dessinées closes pour le second.

Je la sens peser de tout son poids alors qu'elle s'enroule sur mes épaules...

Ainsi donc se finit ma dernière cantique dans le silence le plus total. L'heure est venue. Je ne peux me mentir à moi même, j'ai peur. Pas de la mort en elle même non, mais de son regard. Je vais être mis face à mes pêchers, mes erreurs, mes offrandes qu'elles soient matérielles ou spirituelles. J'ai toujours été intègre face à mes actes, je vais devoir l'être plus que n'importe quand, mais aujourd'hui, je suis prêt et serein.

Le sol se dérobe sous mes pieds...

Tout a changé. Que sommes nous devenu? Vers ou allons nous? Pourquoi? Qu'avons nous fait? Que n'avons nous pas fait? Mes repères ne sont plus, je ne reconnais plus ma famille, je ne trouve plus ma place ici. Nous nous sommes égarés, tout est à refaire. Ainsi donc notre exil débute pour retrouver ce que nous avons perdu.

Délicieuse et apaisante chute interminable...

Quel coup d'éclat nous avons fait! Jamais je n'ai été si fier de moi. Combien de temps cela durerait il? Aucune idée et puis... quelle importance? Menaces et suppliques à tour de rôles nous arrivent, nous en avons que faire, nous poursuivrons coûte que coûte sur notre lancée quitte à en mourir. Jamais nous ne mourrons en esclaves. Tout se déroule à la perfection, au delà même de mes attentes. Nous serions allés loin si je n'avais pas commis l'erreur de franchir l'armoire.

Le cliquetis de la chaines résonne sur les parois humides.

Voici la fin, mon seul ami, la fin. Cela fait des semaines que nous croupissons ici. Ma demande vient d'être refusée. Pourquoi en aurait il été autrement de toutes façons? Le moment est venu. On me laisse quelques instants seul pour que je puisse me recueillir une dernière fois. Je ne veux pas de leurs mort alambiquée, ils n'en ont aucun droit, je ne veux pas de leurs cérémonie, je suis pour eux un inconnu, je ne veux pas de leurs adieux, ils ne sauraient que m'écœurer. Je veux mourir seul. Je me laisse glisser.

Elle se tend brutalement dans une étreinte fatale.

Sebastian comprendra. Lui seul le pourra. Il est a coté dans sa cellule, il ne sait pas encore. Je ne lui ai pas fais mes adieux, a quoi bon? Les paroles sont bien futiles entre nous. Du début à la fin il aura été la et c'est ensemble que nous partons. Merci l'ami.

Enfin je te rencontre, Ô funèbre délivrance.

*Deux piliers de la taverne de Luskan discutent…*

- Hep… Raymond… tu connais la n’velle… ?
- Bahhhh, nan, raconte Jeannot !
- Tu sais l’casino là… bah y parrait que c’était pas qu’une alerte comme ça… eehhh ouai…
- Ah ouai ? Et c’quoi alors ?
- Bahhh… selon les gamins du port, ce serait un cambriolage, tu vois l’genre. Selon les p’tits gas, y’aurait un mec, on sait pas trop qui, qui serait passer par les égouts et les ombres pour entrer dans l’casino ! Et en quelques heures, il serait entré dans le coffre alors qu’y’avait un garde juste devant !
- Mouééé… J’te crois pas !
- J’te jure que si ! Le mec aurait piquer de l’or et des bijoux, assez pour vivre pénard un bon bout d’temps… Dernier truc, les gamins m’ont dit que les mecs du casino ont récupéré juste deux trucs de suspect… Deux dés à six faces… j’trouve ça zarb’
- Ouaip… trop zarb tes histoires, repaye moi à boire, c’plus saint, eheh… Jeannot menthe-à-l’eau va… eheheheh !

*Et ils continuèrent à boire….*

Valdenier était l'archétype de la brute. Un vieux de la vieille, il avait tout vu, tout entendu. Il avait survécu à deux des révolutions de Lorgol, été blessé à une troisième, et s'était exilé pile au bon moment pour survivre. Depuis, il avait atterit à Luskan, survivant en tabassant les petits vieux et en taxant deux petits filous des rues.

Ce jour là, il s'était accoudé au comptoir de la taverne portuaire et commanda un verre de rhum. Kaarn lui exposa le prix.
- HEIN ?! Ca a doublé depuis hier !
Le tavernier lui offrit un sourire mauvais.
- C'est la guerre mon vieux.
Valdenier maugréa. C'est à ce moment qu'une autre personne déposa quelques pièces à l'attention de Kaarn, payant pour Valdenier. Ce dernier regarda la femme masquée de velour noir un instant, et saisit sa choppe en marmonant. Ils se mirent à discuter.

[...]

- Ha ça, évidemment. Ils ont assassiné des violeurs, des assassins psychopathes ... 'pas une grande perte. Mais après ? Les geôles sont vides là. Ils vont commencer à tapper ailleurs. Combien de temps les truands du port vont survivre si la garde a besoin de leur sang pour défendre nos murs ? ... Leur sang au sens propre, j'entends.

Valdenier émit un grognement, vidant la moitié de son troisième verre.

- Ecoute, zig. L'affaire est simple. Si tu veux augmenter tes chances de survivre à l'avenir, t'as pas trente six mille solutions. Le Carnaval saura te protéger si ça arrive.
Le déserteur lorgolien se contenta de fixer son verre.
- Je te laisse réfléchir, hein ? Mais n'oublie pas que le pouvoir de l'Organisation du Prince est sans limite.
La femme se leva en laissant un coquet pourboire à Kaarn. Valdenier ne fut pas le seul bandit du port à être visité 'par hasard', cette nuit là.

- Mais ... Mais il y a des trucs VIVANTS dans ces caisses !

Les deux roublards étaient dans un entrepôts, une série d'une trentaine de caisses percées de petits trous était entreposée là. L'un des deux saisis sa lame et arracha les clous de la boîte un à un, libérant une créature qui attaqua sauvagement le duo avant d'être promptement mis à mal.

- Par la jambe du Seigneur, zig, j'ai déjà vu ça quelque part ...
- J'en ai entendu parler. Des pygmés de Maztica. Des guerriers à la petite taille massacrés par les heaumites.
- Mais attends ... C'est super ! Trente caisses, à sept mille la tête de pipe ... Voire un peu plus ...

Mais la cambrioleuse n'eut pas le temps de finir son calcul : des bruits de pas, d'un homme en armure lourde, provenaient de l'escalier menant à la pièce. Le heaumite venait voir ce qui causait tant de rafus dans son entrepôt ... Le combat qui suivit, opposant le gardien décadent aux voleurs opportunistes, fut d'une terrible intensité, le heaumite ne cessant de surprendre par ses capacités martiales. Mais finalement, les roublards eurent raison de lui.

Hé ! Que voulez vous ! C'est la Chance de Mask !

"Vous savez, si vous faites votre boulot et que vous parlez pas ... Tout ira bien. Vous serez payé rubis sur l'ongle et vos familles seront à l'abri du besoin."

Les bandits masqués regardaient le groupe de travailleurs qui leur faisait face dans le vieil entrepôt abandonné. La plupart se taisaient, beaucoup n'avaient pas l'air rassurés, certains chuchotaient dans leur coin. Lassés par l'indécision des charpentiers, l'un des masqués s'approcha de l'un d'eux.

"Ecoutez, la chose est simple. On augmente de 10% vos gages, et vous travaillez vite et bien. Compris ?"

L'annonce dérida les travailleurs. Leurs yeux furent bandés, ils furent drogués, puis amenés là où ils allaient rester pendant plusieurs mois, travaillant d'arrache pieds pour leurs sombres commanditaires.

"Hé toi ! Gi ! Toi là !"

Valdenier maugréa, levant les yeux de son verre pour les poser sur la silhouette vêtue de noir qui s'approchait. Sans même demander la permission, sans même se présenter, elle tourna la chaise et s'assit en tailleur dessus.

En cette soirée à la fraîcheur déjà annonciatrice de l'hiver à venir, la taverne du port était comble. L'odeur de sueur se mêlait volontiers à celle du rhum - bon ou mauvais. Le guerrier fixait la voleuse.

"On s'est déjà vus. Tu te souviens d'moi, nibergue ? C'était pendant la guerre."

Il ne répondit pas, préférant retomber dans la contemplation de son verre.

"Dis, tu me remets, nibergue ? ... C'était y'a pas si longtemps ..."

Il poussa un grognement, puis desserra enfin les dents.

"Qu'est ce que vous voulez ..."

Chacune de ses paroles semblait être plus un grondement rauque qu'un mot articulé. La roublarde souriait derrière son masque. Moins ils parlaient, plus ils lui plaisaient.

"Ca fait des lunes qu'on t'observe, mon bon zig. Des lunes que tu restes là à dilapider et vivoter ... Tu sais, dans le domaine de la brute, tu es pas mal, mais tu pourrais devenir encore mieux."

Le guerrier continuait à fixer inlassablement son verre. Nouveau grognement. Nouveau sourire de la roublarde.

"Ce que je te propose, c'est de cesser d'être une racaille des bas fonds, et de passer au stade supérieur."

Le vétéran leva la tête vers son interlocutrice. Elle pencha la tête sur le côté.

"Il va bientôt y avoir des combats ..."

Citation :

*Les rumeurs dans les quartiers résidentiels, çà se répand de bouche à oreille, de bouche en bouche parfois, dans certaines alcoves, la dernière ferait état d'une porte qu'on ne peut passer qu'avec un mot doux à une dame, un passe menant à des plaisirs du palais... humm la rumeur parle d'un Palais du Rêve, ou palais des rêves. Le fait est que certains hauts fonctionnaires ou ex-fonctionnaires y passent, certains trépassent momentanément ou tirent la langue. D'aucuns espèrent une nouvelle soirée, de nouveaux plaisirs des yeux, des oreilles et du palais, dans ces rêves. On nommerait par exemple fin vins et exquis tabacs, ou bien des nymphes, danseuses au pied et tenue légers et aériens, sans omettre fracas d'armes et grognements ou cris extatiques selon les parieurs assez émérites pour tenter Tymora ou Beshaba.*